Jean Sibelius, Sagas, un disque où l’on chante peu, mais si lyrique !
Le label Salamandre s’était fait remarquer l’an dernier avec un magnifique album consacré à Alfred Bruneau, compositeur français encore injustement méconnu : on y entendait de superbes mélodies chantées par Cyrille Dubois, mais aussi une fascinante mise en musique de La Nuit de mai d’Alfred de Musset, le poème étant déclamé par un récitant accompagné par un quatuor à cordes. Le genre appelé « mélodrame » est en effet au cœur de l’activité du label qu’a créé en 2012 Vincent Figuri, qui se charge ici encore du rôle de récitant dans un ensemble de pièces conçues par Sibelius pour voix parlée et ensemble de chambre. Sorti le 3 décembre, le disque Sagas est une excellente nouvelle pour tous ceux qui aiment Luonottar et qui se désolent de la relative rareté des pièces du compositeur finlandais pour voix et orchestre. On n’y chante pas, ou du moins très peu (une soprano est sollicitée pendant quelques minutes dans l’une des plages du disque, on y reviendra), mais les amateurs de voix devraient s’en consoler aisément tant la séduction de ces œuvres opèrent immédiatement.
Si la pièce la plus longue du programme est la version d’En Saga pour septuor (quintette à cordes, flûte, clarinette), reconstituée par le musicologue Gregory M. Barrett, tout le reste du disque est consacré à des mélodrames tantôt courts – entre trois et cinq minutes – tantôt beaucoup plus développées, de dix à quinze minutes. Parmi les premiers figure La Trace de ski solitaire, et son envoûtante mélopée, que Vincent Figuri s’offre le luxe d’enregistrer en deux versions, l’une en français, l’autre en suédois ! Deux mélodrames de grande ampleur retiendront particulièrement l’intérêt des amateurs de Sibelius : Les Nuits de la jalousie, récit d’un rêve dont le narrateur croit entendre la voix de sa bien-aimée (une vocalise ici interprétée par la soprano Shigeko Hata), et La Nymphe des bois, dont le protagoniste est entraîné par des elfes vers la créature qui lui sera fatale.
A l’expressivité du récitant s’adjoignent les cordes soyeuses de l’ensemble Calliopée, superbement restituées par une prise de son très fine. Un bien beau disque, qui serait une alternative idéale à la énième resucée des chants de Noël les plus éculés par quelque star internationale…
Ensemble Calliopée
Karine Lethiec, direction artistique
Christophe Giovaninetti, Camille Fonteneau, Vassily Chmykov, Dorothée Nodé-Langlois, violons
Karine Lethiec, Françoise Gneri, altos
Florent Audibert, Diana Ligeti, violoncelles
Laurène Helstroffer-Durantel, contrebasse
Camille Jody, Camille Lebréquier, cors
Anne-Cécile Cuniot, flûte
Chen Halevi, clarinette
Anne Salomon, harpe
Frédéric Lagarde, piano
Shigeko Hata, soprano
Et Vincent Figuri, récitant
Jean Sibelius (1865-1957)
Les Nuits de la jalousie, pour piano, violon, violoncelle, soprano et récitant sur un texte de Johan Ludvig Runeberg
La Trace de ski, pour cordes, harpe et récitant sur un texte de Bertel Gripenberg
Le Portrait de la comtesse, pour cordes (version instrumentale)
La Nymphe des bois, pour piano, cordes, 2 cors et récitant sur un texte de Vyktor Rydberg
En Saga, Septuor pour cordes, flûte et clarinette (reconstitution par Gregory M. Barrett du poème symphonique op.9 de 1892)
O, si tu voyais, pour cordes et récitant (transcription de Vincent Figuri) sur un texte d’Ellen Hackzell
Le Portrait de la comtesse, pour cordes et récitant sur un texte de Zacharias Topelius
Ett ensamt skidspår (La Trace de ski solitaire), pour cordes, harpe et récitant sur un texte de Bertel Gripenberg (version originale en suédois)