Si vous avez aimé Cole Porter in Paris, ce disque est fait pour vous. Après avoir enchanté le mois de décembre dans la capitale avec leur spectacle donné au Châtelet, Les Frivolités Parisiennes sont présentes ce mois-ci dans les bacs des disquaires avec Frivol’s Club, un CD du label B Records, autrement dit un live, enregistré en mai dernier en public. Un disque de pur plaisir, qui enchaîne des chansons des années 1920 aux années 1950, chansons françaises pour la plupart, écho d’une époque qui vit l’ultime grande floraison de l’opérette, rajeunie par une injection de rythmes nord- et sud-américains.
On se rappelle qu’un des premiers grands succès de l’ensemble créé en 2012 par Benjamin El Arbi et Mathieu Franot avait été la résurrection de Yes, de Maurice Yvain, en 2016. Le rôle principal féminin y était admirablement tenu par Sandrine Buendia, dont on se réjouit de retrouver le timbre séduisant dans Frivol’s Club, et la direction musicale était assurée par Jean-Yves Aizic, qui reparaît ici portant la casquette d’arrangeur. Car l’orchestration de ce répertoire a souvent été perdue, et il faut savoir allier imagination et doigté pour la réinventer. Pour le concert immortalisé par ce nouveau disque, ils sont trois à s’être relayés : outre le susdit Jean-Yves Aizic, on rencontre aussi Matthieu Michard, le pianiste-chanteur du spectacle Cole Porter, et Antoine Lefort, ces derniers intervenant aussi en tant que compositeurs pour quelques pièces instrumentales, dont une amusante transformation de la cinquième symphonie de Beethoven révisée par les rythmes de danse latins.
Ceux qui ont assisté à Cole Porter in Paris n’auront pas manqué de remarquer l’abattage de Léovanie Raud, à qui revient ici aussi un certain nombre de titres, qu’elle interprète avec beaucoup de chic et d’aplomb, d’autant que bon nombre de ces chansons flirtent allègrement avec la gauloiserie (à part Cole Porter pour « Si vous aimez les poitrines », tous les autres compositeurs destinaient leurs œuvres au public français). Mais il n’y a pas que la gaudriole, il y a aussi du sentiment et même quelques tentatives audacieuses, comme cette version quasi-mélancolique de « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux », chantée ici par le baryton Philippe Brocard. En effet, les Frivolités Parisiennes ne reculent pas devant la reprise de tubes qu’on aurait crus indissociables de certaines voix légendaires : une nouvelle version de « J’ai deux amours », il fallait oser. Le quatuor vocal est complété par Vincent Heden, ténor qui s’illustre davantage dans le théâtre musical, et qui aurait dû participer à Cole Porter in Paris si ce spectacle avait pu être donné en 2020 comme initialement prévu.
Après cette nouvelle réussite dans le domaine léger, on espère que Les Frivolités Parisiennes n’en continueront pas moins à poursuivre ce qui était initialement l’un de leurs objectifs, à savoir l’exploration d’œuvres oubliées du XIXe siècle.
Les Frivolités Parisiennes
Léovanie Raud, Vincent Heden, Phillipe Brocard et Sandrine Buendia
Antoine Lefort : Ouverture
Mihaly Eisemann/Albert Willemetz : Ça !
Johnny Hess : Je suis swing
Philippe Parès, Georges Van Parys/Serge Véber : Un petit quelque chose
Jean Tranchant : Feu du ciel
Vincent Scotto/Géo Koger, Henri Varna : J’ai deux amours
Philippe Parès, Albert Lapeyrere/Charles Trenet : Tout est au duc
Loulou Gasté : Elle fait ci, elle fait ça
Henri Debs : Où sont les baisers
Henri Betti/André Hornez : Les baobabs
Marguerite Monnot/Alexandre Brefford : Avec les anges
Matthieu Michard : Cinquième de Beethoven
Mauprey, Henri Varna,Jean Lenoir, Robert Katscher/André : On s’met tout nu !/Les femmes nues
Leonello Casucci/Julius Brammer : Schöner Gigolo
Cole Porter/Cole Porter : Si vous aimez les poitrines
Paul Misraki/André Hornez : Laissez-vous faire
Joseph Kosma/Francis Carco : Jésus La Caille
Raoul Moretti/Albert Willemetz : C’est bon
Jean Lenoir/Bataille-Henri, Jean Deyrmon : Chaque étoile a son mystère
Paul Misraki : Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux
Popoff : La balade du fumeur dans Paris
Moïses Simons/Albert Willemetz : Adieu Paris !
Matthieu Michard : Barcarolle-biguine
Enregistrement public à L’Estran à Guidel, le 22 mai 2021
1 CD B Records, février 2022