Giuseppe VERDI (1813–1901), Rigoletto
« Ella mi fu rapita!… Parmi veder le lagrime… Possente amor »
« La donna è mobile »
Charles GOUNOD (1818–1893), Roméo et Juliette
« L’amour!… Ah! lève-toi, soleil ! »
Gioachino ROSSINI (1792–1868 ), Guillaume Tell
« Ne m’abandonne point, espoir de la vengeance!… Asile héréditaire… Amis, amis »
Gaetano DONIZETTI (1797–1848), L’elisir d’amore
« Una furtiva lagrima »
Giacomo MEYERBEER (1791–1864), Les Huguenots
« Non loin des vieilles tours… Ah! quel spectacle enchanteur… Plus blanche que la blanche hermine »
Giuseppe VERDI (1813–1901), La battaglia di Legnano
« O magnanima e prima delle città lombarde… La pia materna mano »
Gioachino ROSSINI (1792–1868 ), Moïse et Pharaon
« Vous avez entendu… Moment fatal ! »
Charles GOUNOD (1818–1893), Polyeucte
« Source délicieuse »
Gaetano DONIZETTI (1797–1848), Roberto Devereux
« Ed ancor la tremenda porta… Come uno spirto angelico… Bagnato il sen di lagrime »
Jules MASSENET (1842–1912), Manon
« Instant charmant, où la crainte fait trêve… En fermant les yeux »
Giacomo MEYERBEER, L’Etoile du Nord
« Quel trouble affreux »
Benjamin GODARD (1849–1895), Jocelyn
« Cachés dans cet asile…Oh! Ne t’éveille pas encore »
1 CD Warner Classics, 79.10′ (mars 2022)
Retrouvez Pene Pati en interview ici !
Ceux qui ont eu la chance de voir et d’entendre Pene Pati sur scène savent que les premières caractéristiques du ténor samoan sont la générosité, une forme de don de soi, un bonheur immédiatement perceptible d’être sur scène et de chanter. Autant de qualités dont on se demandait ce qu’il allait advenir, resserrées dans le cadre étroit du CD et de l’enregistrement de studio.
Disons-le d’emblée, ce premier album est une très belle réussite, et l’essentiel des atouts qui séduisent tant le public de Pene Pati lorsqu’il se produit en salle y sont préservés et magnifiquement mis en valeur – d’autant que la réalisation de cet enregistrement a fait l’objet de grands soins, avec notamment un orchestre de l’Opéra de Bordeaux et des chœurs (préparés par Salvatore Caputo) en grande forme et pleinement impliqués, sous la baguette énergique d’Emmanuel Vuillaume, parfaitement habile à faire surgir en quelques mesures les ambiances propres à chacune des pièces interprétées.
Le programme jongle avec les répertoires français et italien ; il est pour l’essentiel consacré à la première moitié du XIXe siècle, de 1827 (Moïse et Pharaon) à 1854 (L’Étoile du Nord), mais s’autorise quelques incursions dans le XIXe siècle tardif avec Roméo et Juliette (1867), Polyeucte (1878), Manon (1884) et Jocelyn (1888). Un programme peut-être un peu disparate, mais qui permet au ténor tout à la fois de bien faire valoir les qualités qui sont les siennes aujourd’hui et de présenter au public les répertoires qu’il affectionne tout particulièrement.
Les moyens de Pene Pati sont impressionnants : émission franche, naturelle, aigus d’une facilité déconcertante, au point qu’on l’a plus d’une fois déjà comparé à Pavarotti. De fait, il y a dans la voix de Pene Pati un soleil, une chaleur qui peut effectivement rappeler son illustre devancier, avec toutefois une émission moins nasale, sans ce resserrement de la voix dans l’aigu, si typique du chant de Pavarotti, avec également une plus grande retenue dans l’expression qui lui permet d’exceller dans le répertoire français – un répertoire que Pavarotti n’aborda que très peu et où il ne laissa pas ses témoignages les plus impérissables. Pureté de la ligne de chant, sobriété de l’expression, expressivité des nuances : autant de qualités qui font de Pene Pati un Des Grieux raffiné, un Polyeucte émouvant, et, plus encore, un Roméo irrésistible : les Bordelais (qui l’ont applaudi en mars 2020) et les Parisiens (en décembre dernier) en savent quelque chose, qui n’ont pas résisté à l’élan juvénile et surtout à la poésie de ce chant (son « Ah ! lève-toi, soleil » est un bijou de délicatesse et de tendresse amoureuse…).
"Ah, lève-toi, soleil !" en récital à Bordeaux (2020)
La poésie et le raffinement sont bien ce par quoi brille le ténor, plus encore que les exploits vocaux. Des exploits, il y en a pourtant. À commencer par les aigus du duo de Moïse et Pharaon (Mirco Palazzi y chante le rôle de Pharaon, avec un français moins pur que celui de notre ténor mais une belle maîtrise des coloratures), émis avec une telle aisance – sauf dans l’ultime reprise de « Grands dieux, voulez-vous que j’expire », seul petit accroc dans ce long et exigeant programme – qu’on en oublie leur difficulté. Quant à l’interminable aigu qui couronne l’air d’Arnold dans Guillaume Tell, non écrit mais imposé par la tradition, il vous donnera le vertige ! Pourtant, plus encore que ces tours de force, ce qu’on admire avant tout, ce sont la noblesse de la ligne, la douceur du chant mezza voce (l’usage de la voix mixte est parfaitement maîtrisé : écoutez « Dans cette enceinte quel silence… » dans Guillaume Tell, ou « Ah, quel spectacle enchanteur » dans Les Huguenots ; quant à l’attaque de la « furtiva lagrima » et plus encore sa reprise, elles sont à pleurer !), l’élégance du style (« La donna è mobile » est dénuée de toute vulgarité, de tout effet racoleur), la pureté du phrasé et du legato : la cantilène, tendre et plaintive, de Roberto Devereux est peut-être l’un des plus beaux moments du CD… D’une manière générale d’ailleurs, le premier ottocento semble convenir idéalement à la voix de Pene Pati, dont les moyens sont ceux d’un ténor lyrique capable de faire siennes la souplesse et l’élégance vocales du tenore di grazia.
"Una furtiva lagrima (session d'enregistrement du CD Warner)
Souhaitons à Pene Pati d’avancer prudemment dans l’élargissement progressif de son répertoire (cela semble être le cas pour l’instant !), afin de conserver ces précieuses qualités « comme un trésor, longtemps encore ! » Nous nous réjouissons en tout cas de pouvoir très prochainement le réentendre en France : nul doute qu’il fera l’an prochain fondre les cœurs du public du Théâtre des Champs-Élysées en Rodolfo de La Bohème… Et les Parisiens auront le plaisir de le retrouver dès le 9 avril prochain, en Nicias, dans la Thaïs que propose le TCE .