Nouvelle gravure chez Harmonia Mundi de l’un des plus opératiques Stabat Mater de tout le répertoire : une belle réussite.
Maria Agresta, soprano
Daniela Barcellona, mezzo-soprano
René Barbera, ténor
Carlo Lepore, basse
Orchestre Philharmonique du Luxembourg
Wiener Singverein (Johannes Prinz)
Direction : Gustavo Gimeno
Gioacchino Rossini (1792-1868) : Stabat Mater (créé à Paris, Salle Ventadour, le
Œuvre tardive du « cygne de Pesaro », créée triomphalement dans sa version définitive à Paris, au Théâtre-Italien, en 1842, avec un quatuor d’exception (Grisi, Albertazzi, Mario, Tamburini), le Stabat Mater de Rossini, s’il n’est pas la pièce la plus sacrée de la musique religieuse, reste par contre, comme son compositeur se plaisait à le dire non sans malice, de la sacrée musique !
Enregistrée en décembre 2019 au grand auditorium de la philharmonie du Luxembourg, dans une conception sonore superlative sachant parfaitement mettre en évidence les contrastes d’un orchestre philharmonique en grande forme et du magnifique Wiener Singverein à la prononciation parfaite, cette gravure séduit avant tout par la direction captivante du chef Gustavo Gimeno et par l’homogénéité du quatuor vocal réuni.
Dès les premières mesures de l’introduction orchestrale, avec ses pianissimi éthérés, on est saisi par ce sens du climat dramatique et d’une élévation pleine de retenue que le directeur musical de l’orchestre philharmonique du Luxembourg sait insuffler à la phalange. Ici, pas d’obscurité malvenue ni d’effets spectaculaires hors de propos : Rossini n’a pas besoin de cela pour faire entendre la douleur de la mère au pied de la croix. De même, la direction du chef espagnol, biberonné à l’ombre de Mariss Jansons et de Claudio Abbado qu’il a assisté pendant plusieurs années, ne tombe jamais dans le piège de l’opératique, là où certains moments (l’aria du ténor, le duetto soprano-mezzo, l’Inflammatus soprano-chœur) pourraient s’y prêter. C’est d’autant plus remarquable que le quatuor vocal est particulièrement familier du répertoire lyrique dont il porte haut les couleurs un peu partout ! Jamais pourtant ici René Barbera, ténor belcantiste de jolie facture, ne confond les accents de son aria Cujus animam gementem, propice aux si et autre ré bémol solaires, avec l’un de ces airs de bravoure dont Rossini nous a donné maints exemples. De même, si Carlo Lepore, basse rossinienne aux moyens vocaux intéressants, chante avec goût et sait triller, il ne pêche jamais par un excès d’émotion intempestive. On ne sera pas étonné de lire que Daniela Barcellona, l’une des mezzo-sopranos qui a le mieux servi Rossini ces dernières années, soit ici dans son élément et nous délivre quelques très beaux moments, en particulier dans une poétique cavatine Fac ut portem au parfait legato et dans le quartetto Sancta Mater où le trille et la vigueur qu’il convient d’avoir sont toujours au rendez-vous ! On aurait pu croire, enfin, Maria Agresta plus étrangère à un compositeur qu’elle a finalement peu côtoyé : l’accent fiévreux mais toujours maîtrisé avec lequel elle aborde l’Inflammatus mais aussi la justesse de sa vocalise font pourtant partie des moments enthousiasmants de cet enregistrement, où la soprano lucanienne trouve dans la puissance des voix du chœur un partenaire saisissant.
C’est d’ailleurs l’ensemble viennois qu’il convient de louer en dernier lieu tant la couleur vocale de ses artistes fait ici merveille, en particulier dans la fugue finale où l’ensemble entre totalement dans la conception du chef et de ses variations de tempo.
Un enregistrement qui d’ores et déjà prend toute sa place dans une discographie pourtant pléthorique !