Melody Louledjian, soprano
Giulio Zappa, piano
Ariettes à l’ancienne
Ariette à l’ancienne
Ariette villageoise
L’Orpheline du Tyrol
Chanson de Zora
L’amour à Pékin
Amour sans espoir
Au chevet d’un mourant
Adieux à la vie
À Grenade
L’âme délaissée
La Grande Coquette
La Légende de Marguerite
Nizza
Le dodo des enfants
La chanson du bébé
1 CD Klarthe (2022)
En 1855, alors qu’il s’est retiré des scènes lyriques depuis déjà vingt ans, Rossini s’installe définitivement en France : il partagera dès lors son temps entre son appartement de la rue de la Chaussée-d’Antin à Paris et sa villa de Passy (où il meurt en 1868). C’est là qu’il composera ses ultimes chefs-d’œuvre (le Stabat mater, la Petite Messe solennelle), mais aussi une centaine de pièces pour piano et une cinquantaine de mélodies – lesquelles n’étaient nullement destinées au concert, ni même à la publication dans un premier temps. Ce n’est qu’à la fin de sa vie que le musicien décida de regrouper ces mélodies en différents recueils (quatorze en tout), tous pourvus d’un titre : « Album italiano », « Album français », « Morceaux réservés », « Album pour les enfants dégourdis » ,… C’est à l’ensemble de ces recueils que fut donné, par la suite, le nom de « Péchés de vieillesse ».
Le présent CD propose des mélodies (toutes composées sur des textes français) issues de différents recueils (le titre proposé pour l’album – « Ariettes à l’ancienne » – reprend, en le mettant au pluriel, celui de la toute première mélodie), offrant un aperçu varié et assez complet du talent de Rossini chambriste et mélodiste. Il permet de (re)découvrir certaines pages particulièrement intéressantes, telles les deux versions (très différentes ) de « Que le jour me dure / Passé loin de toi » (« Ariette à l’ancienne » et « Ariette villageoise »), ou encore « La légende de Marguerite », reprenant le motif mélodique de « Una volta, c’era un re » (Cenerentola). Ayant renoncé au « grand format » après un ultime et assez inattendu coup d’éclat (Guillaume Tell, grand opéra à la française créé en 1829), le musicien laisse désormais son génie s’exprimer dans des miniatures aussi raffinées que diversifiées et exigeantes sur le plan interprétatif.
Le raffinement, c’est souvent dans l’association de la voix et du piano qu’il faut le chercher, l’instrument se contentant rarement de simplement accompagner l’interprète : tantôt il pose le cadre de la mélodie dans une introduction évocatrice longuement développée (« L’Orpheline du Tyrol ») ; tantôt il établit un véritable dialogue avec la voix ; tantôt encore il assume à lui seul la dimension mélodique du morceau, la chanteuse se contentant de dire le texte de la mélodie… sur une seule note, comme dans les étonnants « Adieux à la vie ». On peut compter sur l’excellent Giulio Zappa, rossinien et accompagnateur émérite, pour rendre au mieux la subtilité des intentions pianistiques de Rossini : son jeu, très présent – sans que le pianiste tire pour autant la couverture à lui – allie musicalité, grâce, précision, et témoigne d’une belle écoute entre le pianiste et la chanteuse.
L’exigence naît de la diversité des pièces : certaines sont de délicates miniatures (« Ariette à l’ancienne »), d’autres requièrent des élans quasi « opératiques ». Si la plupart d’entre elles ne nécessitent pas les prouesses belcantistes des grandes arias d’opéras, certaines demandent malgré tout une technique aguerrie, telles « L’Orpheline du Tyrol » avec ses vocalises façon « yodel », ou encore « Amour sans espoir », à la ligne vocale particulièrement tendue. Melody Louledjian possède l’essentiel des qualités requises par ces pages : timbre fruité, adéquation stylistique, sensibilité – et avant tout une diction très claire, rendant les paroles constamment compréhensibles.
Un album qui permet de compléter notre connaissance de l’œuvre du Cygne de Pesaro (à comparer avec celui publié il y a quelque temps par Maxim Mironov : Questo è Rossini !), servie par des interprètes attachants et talentueux !