Jakub Józef Orliński, contre-ténor
Michał Biel, piano.
Mélodies de Czyż , Moniuszko, Karłowicz, Szymanowski, Baird, Lukaszewsk.
Enregistré du 21 au 28 septembre 2021 à Varsovie. 1 CD Erato, 57’11
Tout comme il a ses admirateurs, le contre-ténor Jakub Józef Orliński a ses ennemis, qui lui adressent des reproches quant à l’utilisation commerciale de son physique avantageux, mais aussi et surtout quant à sa manière d’interpréter le répertoire baroque dans lequel il s’est imposé, avec déjà trois disques de musique sacrée ou profane. Le Polonais réussira-t-il cette fois à réconcilier inconditionnels et détracteurs ? Peut-être, car avec Farewells, il se présente sous un jour différent.
Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, faudrait-il plutôt dire, car cette fois encore, le contre-ténor pourra en agacer plus d’un par sa façon de se laisser porter sur le fil de la voix, avec certaines phrases quasi-parlées plus que chantées, où le soutien du diaphragme semble délibérément absent, d’autant plus qu’il n’a guère à forcer le son. À moins que le changement de répertoire aide à faire digérer ces travers déjà constatés ailleurs. Car il faut malgré tout reconnaître un grand mérite à « JJO », celui de s’être changé en ambassadeur de la musique de son pays, si peu fréquentée de ce côté-ci de l’ex-Rideau de Fer. De la musique polonaise, oui, voilà de quoi est fait le disque Farewells, comme son nom de l’indique pas. Et puisque les contre-ténors peuvent désormais tout chanter, des mélodies polonaises composées sur à peu près un siècle et demi, par des compositeurs célèbres, au moins de nom, ou totalement inconnus hors de leurs frontières nationales. Quatre générations de musiciens, depuis le romantisme de Moniuszko, l’aube de la modernité représentée par Karłowicz et Szymanowski, la deuxième moitié du XXe siècle avec Czyż et Baird (peut-être la partie la moins forte du programme), et enfin l’époque contemporaine incarnée par une pièce de Pawel Lukaszewski.
Le sommet du disque est sans doute le cycle de Szymanowski, quatre des six Chants de Kurpie, envoûtantes mélodies populaires brillamment appropriées par le compositeur du Roi Roger. Pourtant, la douzaine de plages accordées à Mieczysław Karłowicz révèlent un lyrisme délicat, et les contours imprévus de « Jesień » (Automne), de Lukaszewski, savent éveiller l’intérêt. Des deux mélodies inspirées, ici retenues parmi la production de Stanisław Moniuszko, le guilleret « Prząśniczka » (Fileuse) ferait un bis parfait, d’où sa place en fin de programme. Soutenu au piano par son ami le sensible Michał Biel, Jakub Józef Orliński chante évidemment dans son arbre généalogique, et il faut lui en savoir gré, ainsi qu’au label Erato, qui aurait fort bien pu ne pas le suivre dans cette démarche courageuse. Espérons que ce nouveau disque se vendra aussi bien que les précédents et qu’il contribuera à faire découvrir tout un répertoire à explorer.