CD – Rameau, une version inédite des Fêtes d’Hébé
Hébé, Sapho, la Bergère, une Lacédémonienne : Chantal Santon Jeffery
L’Amour, Églé : Marie Perbost
Une Naïade, Iphise (2e version) : Olivia Doray
Iphise (1ère version) : Judith van Wanroij
Momus, un Ruisseau, Mercure : Reinoud Van Mechelen
Lycurgue : Mathias Vidal
Hymas, Tyrtée (2e version) : Philippe Estèphe
Alcée, Eurilas, Tyrtée (1ère version): David Witczak
Le Fleuve, L’Oracle : Lóránt Najbauer
Palémon : Pier Luigi Fabretti
Purcell Choir, Orfeo Orchestra, dir. György Vashegyi
Les Fêtes d’Hébé
Ballet en un prologue et trois actes de Jean-Philippe Rameau, livret de Louise-Angélique Naudin et Antoine-César Gaultier de Montdorge, créé le 21 mai 1739 à l’Académie royale de musique.
3 CD Glossa, (61:14′, 71:14′, 43:16′), mai 2022 (enregistré en mars 2021 au Müpa – Palais des Arts, Budapest)
Si Les Fêtes d’Hébé rencontrèrent en leur temps un succès éclatant, les reprises de l’œuvre aux XXe et XXIe siècles restèrent assez sporadiques, et c’est peu de dire que cet opéra-ballet est mal servi par le disque : un seul CD est disponible (il est déjà relativement ancien : William Christie, Erato, 1997), auquel on peut ajouter un enregistrement de la seule troisième entrée (« La Danse ») par Gardiner, dans un CD comportant également une suite orchestrale de Dardanus (Erato, 1977). L’œuvre, pourtant, témoigne d’une haute inspiration ; elle est même, pour tout dire, assez inattendue lorsqu’on prend en compte la « qualité » du livret que Rameau dut mettre en musique, d’une indigence assez remarquable…
On se précipitera donc sur ce nouvel enregistrement, pour son double intérêt : musicologique et artistique. Cet album propose en effet la version de l’œuvre de juin 1739, en y intégrant les modifications apportées par Rameau à l’occasion des reprises de 1747, 1756 et 1764 ; et surtout, un troisième CD propose la première version de « La Musique » avec, pour la première fois, une reconstitution exacte de l’instrumentation d’origine.
Quant à l’intérêt artistique de cet enregistrement, la simple lecture de la distribution suffit à comprendre que nous avons ici affaire à une version de référence : sous la direction experte de György Vashegyi, le Purcell Choir et l’Orfeo Orchestra donnent une nouvelle preuve de leur talent à faire vivre et respirer la partition, avec une aptitude remarquable à rendre le discours musical clair, transparent, naturel, et une précision qui se double toujours d’un raffinement extrême dans les contrastes dynamiques ou le choix des couleur. Côté voix, l’équipe réunie comprend quelques-uns des meilleurs spécialistes de ce répertoire : Reinoud Van Mechelen, comme dans son récent album paru chez Alpha et qui a tant séduit notre collègue Marc Dumont, fait revivre avec maestria l’art de Pierre Jéliote, créateur du rôle de Thélème : quel superbe « Tu veux avoir la préférence », où la voix du ténor dialogue poétiquement avec le hautbois ! La voix de Judith van Wanroij rivalise avec l’éclat des trompettes (« Éclatante trompette, annoncez notre gloire ») ; celle de Chantal Santon Jeffery égrène avec charme les vocalises de « Accourez, riante jeunesse », ou chante avec grâce la tendre nostalgie de Sapho (« Bois chéri des Amours »).
Acte III Scène 4: « Tu veux avoir la préférence » (Reinoud Van Mechelen)
Acte I Scène 1: « Bois chéri des Amours » (Chantal Santon Jeffery)
Quant à Mathias Vidal, Philippe Estèphe, David Witczak et Lóránt Najbauer, ils font montre de leurs habituelles rigueur stylistique et clarté de l’élocution. Cette distribution prestigieuse est complétée par Olivia Doray qui prête son timbre velouté à Iphise (deuxième version de « La Musique »), Marie Perbost, dont la voix fraîche et saine servent au mieux les interventions d’Églé et de L’Amour, ainsi que Pier Luigi Fabretti dans le rôle de Palémon.
Un album indispensable à tout amateur de Rameau !