CD – Alessandro Grandi, Lætatus sum – Vesper Psalms
ACCADEMIA D’ARCADIA
Laura Martinez Boj soprano
Maria Chiara Gallo mezzo-soprano
Maximiliano Baños, Enrico Torre altos
Roberto Rilievi, Riccardi Pisani, Leo Moreno ténors
Renato Cadel, Alessandro Ravasio basses
Gian Andrea Guerra violon
Giovanni Bellini théorbe
Luigi Accardo orgue
UTFASOL ENSEMBLE
Pietro Modesti cornet à bouquin
Susanna Defendi, Andrea Angeloni, Fabio De Cataldo, Valerio Mazzucconi sacqueboutes
Alessandra Rossi Lürig direction
Alessandro Garndi : Lætatus sum – Vesper Psalms
1 CD Arcana (73:26), 2022 (enregistré en juillet 2019).
Alessandro Grandi (1590-1630) est resté célèbre notamment pour sa musique profane, plus encore sans doute que pour ses œuvres sacrées (il est l’auteur de six recueils de musique profane), et pour sa possible rivalité avec Monteverdi qui contribua, dit-on, à l’éloigner de Venise (en 1625-1626) où il s’était établi après avoir connu de brillants succès à Ferrare. Après avoir quitté la lagune, Grandi deviendra maître de chapelle de la Basilique Sainte-Marie-Majeure de Bergame, où il accomplira un travail remarquable : la chapelle musicale de la ville était dans une situation difficile – pour ne pas dire déplorable – à son arrivée, mais elle atteignit bientôt, grâce à ses efforts, un niveau de qualité exceptionnel.
Si les œuvres retenues dans cet enregistrement ne sont pas les plus représentatives de l’art de Grandi, c’est peut-être, précisément, parce qu’elles ont été composées alors que le musicien venait d’arriver à Bergame. Comme l’explique Rodolfo Baroncini dans sa très intéressante notice introductive, Bergame n’est pas Venise, et « de nombreux aspects de ces compositions respectent les exigences, le goût et les ressources d’une tradition locale ». Voilà pourquoi « le dialogue antiphonaire, déjà tombé en désuétude […], joue dans ces psaumes un rôle plutôt important ». Quant à l’instrumentation, faisant curieusement intervenir violons et trombones au lieu de l’habituel couple de violons, elle s’explique également, toujours selon Rodolfo Baroncini, par les ressources alors disponibles – et assez limitées – en la basilique Sainte-Marie-Majeure de Bergame …
Cet enregistrement n’en permet pas moins de découvrir de grandes beautés : sous la houlette d’Alessandra Rossi Lürig, les douze musiciens d’Accademia d’Arcadia (neuf chanteurs et trois instrumentistes) et les cinq instrumentistes de l’ensemble UtFaSol[1] nous proposent une immersion dans l’esthétique musicale du premier seicento et font revivre ces pages peu connues d’Alessandro Grandi avec une précision et une rigueur qui n’excluent nullement l’émotion, la ferveur, la poésie : l’orgue, le violon, le théorbe, le cornet à bouquin et les sacqueboutes tissent le riche tapis sur lequel se déploient les lignes vocales des chanteurs, dont les timbres sont suffisamment individualisés tout en restant capables de fusionner harmonieusement. Les voix se répondent, s’enchevêtrent, se superposent avec une virtuosité discrète, jamais démonstrative, toujours au service de l’expression d’une foi sobre et sincère. Qu’il s’agisse d’exprimer le hiératisme, la majesté ou la jubilation discrète d’un « Gloria », la sobriété du Confitebor attaqué a capella, celle d’un Laudate Dominum semblant suspendre le temps, le recueillement d’une prière pour la paix (« Rogate, quae ad pacem sunt Jerusalem » dans le Lætatus sum) ou la sérénité lumineuse du « Lauda » par lequel s’ouvre le Lauda Jerusalem, les artistes trouvent toujours le ton juste, caractérisé par un raffinement et une élégance sobres, dénués de préciosité.
Un album tout aussi réussi que le premier volume, Celesti fiori, paru également chez Arcana en 2019.
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[1] Voir le nom de chacun d’entre eux ci-dessus dans la rubrique « Les artistes ».