Florence Losseau, Anne-Lise Polchlopek : mezzo-sopranos
Gregory Feldmann, Liviu Hollender : barytons
Eleonora Pertz, Nicolas Royez, Nathaniel Lanasa, Juliette Journaux : barytons.
Ombres chimériques
Mélodies et lieder de Fauré, Viardot, Saint-Saëns, Chaminade, Debussy, Mahler, Berg, Ullmann.
1 CD B Records. Enregistré en public dans le cadre de l’Académie Orsay-Royaumont les 26 février et 1er mai 2022
Les lauréats de la Fondation Orsay-Royaumont se suivent et ne se ressemblent pas. Certes, ils pratiquent toujours la mélodie et/ou le lied, et ils sont toujours quatre, mais certaines années, on y trouve un quatuor complet, soprano, mezzo, ténor et basse, et il arrive que sur certains disques, on ne chante qu’en français. Le cru 2022, lui, fonctionne par paires : deux mezzos et deux barytons, et l’on y chante en deux langues, le programme allant de 1870 à 1940. On commence par Debussy et on conclut avec Debussy. Mais derrière ces symétries apparentes se cache une totale dissymétrie.
D’abord, seuls deux des quatre chanteurs s’expriment en français et en allemand : Florence Losseau alterne Debussy et Berg, avec trois des Cinq Poèmes de Charles Baudelaire et trois des Sieben Frühe Lieder ; Gregory Feldmann en fait autant (et pour le baryton américain, il ne s’agit dans aucun des deux cas de sa langue maternelle) mais pour deux cycles donnés dans leur intégralité, le rare Liedebuch der Hafis de Victor Ullmann, une des dernières œuvres qu’il composa avant son internement au camp de Terezín, et L’Horizon chimérique de Fauré. Face à eux, le baryton autrichien Liviu Hollender interprète quatre lieder du Knabes Wunderhorn, et la Française Anne-Lise Polchlopek propose un bouquet de mélodies françaises trouvées loin des sentiers battus : un magnifique Saint-Saëns, « Si vous n’avez rien à me dire », un bouleversant Chaminade, « Ma première lettre », et la version que Pauline Viardot composa en 1886 sur le poème de Théophile Gautier, « Ma belle amie est morte », qui n’a rien à envier à celle de Berlioz dans Les Nuits d’été, le tout complété par les Trois Ballades de François Villon mises en musique par Debussy en 1910.
Programme riche et divers, mais cohérent. Et pourtant… Non sans une bonne dose de subjectivité, on avouera une très nette préférence pour deux des quatre jeunes artistes ici réunis. Peut-être en partie à cause du choix des pièces interprétées – c’est là que l’audition en concert permettrait sans doute de réviser notre jugement –, les couleurs de la voix de Florence Losseau nous ont moins séduit, son interprétation nous a moins convaincu, alors que le chant d’Anne-Lise Polchlopek ravit immédiatement par son naturel et par sa capacité d’émotion. De même, malgré ses qualités, la prestation de Gregory Feldmann nous a laissé un peu sur notre faim, alors que l’engagement et la large tessiture de Liviu Hollender emportent totalement l’adhésion. Chacun des quatre pianistes n’en forme pas moins un duo homogène avec son ou sa partenaire : Eleonora Pertz et Nicolas Royez pour les deux mezzos, Nathaniel Lanasa et Juliette Journaux pour les deux barytons. Tous auront l’occasion de s’exprimer dans le cadre de l’Auditorium du Musée d’Orsay au cours de la saison 2022-23 et il leur appartiendra de nous donner tort, on le souhaite vivement !
Ce mardi 20 septembre, c’est Anne-Lise Polchlopek et Nicolas Royez qui assurent le premier des concerts de midi à Orsay, avec un programme presque entièrement français, mais conclu par des Canciones de Fernando Obradors.