La Palatine
Marie Théoleyre, soprano
Noémie Lenhof, viole de gambe
Nicolas Wattinne, théorbe et guitare baroque
Guillaume Haldenwang, clavecin et orgue
Laurent Sauron, percussions
Il n’y a pas d’amour heureux
Œuvres de Kapsberger, Strozzi, Rossi, PiccininiM, erula, Savioni, Cipriano de Rore, Salvatore, Bartolotti, Castaldi, Monteverdi, Brassens.
1 CD Ambronay, novembre 2022 (59’41)
« Il n’y a pas d’amour heureux », certes, mais… « les plus désespérés sont les chants les plus beaux », c’est bien connu, et c’est à un fort beau voyage à travers le Seicento que nous convie la Palatine – un voyage dont les étapes, bien que toutes marquées au sceau du désenchantement amoureux, offrent à l’auditeur une belle variété de tonalités et, partant, de ressentis et d’émotions.
D’abord parce qu’alternent pièces vocales et pièces instrumentales (la voix, dans cet ensemble, n’est pas l’élément au service duquel se mettent les instruments, mais semble plutôt constituer un instrument parmi d’autres). Les pièces instrumentales recèlent de petits bijoux (telle la mélancolique Sonata Prima de Bellerofonte Castaldi), qui permettent à chaque instrumentiste de faire valoir ses qualités : viole de gambe expressive et poétique pour Noémie Lenhof (« Ancor che col partire » de Cipriano de Rore), guitare et théorbe tout à la fois virtuoses et sensibles pour Nicolas Wattinne (œuvres de Piccinini et Bartolotti), musicalité infaillible de Guillaume Haldenwang au clavecin (les Corrente de Giovanni Salvatore). Les pages vocales, interprétées par la soprano Marie Théoleyre, pleine d’assurance mais aussi capable d’une belle diversité dans l’expression des différents affetti convoqués, mènent l’auditeur aussi bien en terrains connus (le Lamento d’Ariane de Monteverdi) que dans des contrées nettement moins fréquentées (le « Fermate, occhi, fermate » de Mario Savioni est, semble-t-il, inédit).
Quoi qu’il en soit, le désenchantement amoureux prend, au fil de l’écoute, des couleurs diverses qui assurent à l’album une belle variété et permettent de renouveler constamment l’intérêt de l’auditeur : au désespoir tragique d’Ariane répondent ainsi l’agacement de l’amoureux qu’une coquette éconduit par vanité (le « Quand’io volsi l’altra sera » de Merula apparaît presque comme une version amusante des souffrances d’un Ronsard à qui Cassandre se refuse !) ; à l’imploration véhémente de « Fermate, occhi, fermate » s’oppose la légèreté de ton de « El me tira » (Merula) ; au Dieu Amour cruel qui suscite la plaine éplorée de Zaïde (le Lamento di Zaida Turca de Rossi) répond le petit Cupidon taquin et agaçant du « Dopo lungo penare » du même compositeur…
Merci, donc, aux artistes de la Palatine de nous offrir ce voyage original, raffiné et varié, que viennent couronner de façon aussi inattendue que poétique les vers d’Aragon et la musique de Brassens : « Il n’y a pas d’amour heureux »… N’hésitez pas à faire ce voyage à Cythère, même si le paysage doit se teinter ici ou là de quelques couleurs sombres ou mélancoliques…
NB : l’ensemble La Palatine a été créé en 2019 et est membre du programme européen EEEMERGING+, qui l’a révélé lors du Festival d’Ambronay 2021.