CD – Charles-Hubert Gervais, Grands Motets

Les artistes

Olivia Doray et  Katalin Szutrély : dessus
Cyrille Dubois : haute-contre
Mathias Vidal : taille
David Witczak : basse-taille

Purcell Choir et Orfeo Orchestra, dir.  György Vashegyi

Le programme

Charles-Hubert Gervais, Grands Motets

Exaudi Deus
O filii et filiae
Judica e me Deus
Usquequo Domine
Te Deum

1 CD Glossa, 72’02 (2022)

Dans la petite notice du CD, très documentée et rédigée avec clarté par Benoît Dratwicki, le contexte historique est posé : nous sommes en 1722, soit un an avant la mort de Philippe d’Orléans. Or pendant la Régence, la Maison royale avait clairement perdu de son éclat, l’argent, les moyens mais aussi l’attention s’étant dorénavant focalisés sur le Palais Royal (où s’était installé le Régent), devenu le cœur de la vie politique mais aussi artistique du royaume. La majorité du futur Louis XV approchant, le vent tourne : il s’agit dès lors pour la Cour de renouer avec le faste qui était autrefois le sien, et c’est dans ces conditions que Charles-Hubert Gervais, simple fils d’un valet de chambre devenu musicien, Maître de musique puis intendant de Philippe d’Orléans, est nommé dans l’un des trois corps de musique : la Chapelle (les deux autres étant la Chambre et l’Écurie).  Le voilà donc chargé de composer de la musique sacrée, lui qui jusqu’alors avait surtout brillé à l’opéra : Hypermnestre, créé en 1716, est l’un de ses grands succès dans le genre lyrique (la même équipe que celle réunie pour le présent album, à savoir le Purcell Choir et l’Orfeo Orchestra placés sous la direction de György Vashegyi, avaient enregistré l’œuvre en 2020, toujours pour Glossa).

Voici donc, sur la quarantaine qu’il a composée, cinq motets de Gervais : l’Exaudi Deus, le O filii et filiae, le Judica e me Deus, l’Usquequo Domine et le Te Deum. La réussite de cet enregistrement est tout aussi remarquable que celle de l’ Hypermnestre pré-cité : le chef, l’orchestre et le chœur hongrois servent au mieux ces œuvres à l’esthétique héritée – en partie – de Lalande, empreinte d’une gravité qui n’est pas austérité, et qui fait parfois place à une virtuosité discrète, jamais démonstrative. L’équipe de chanteurs ici réunis est parfaitement à son aise dans ce répertoire : les timbres des deux dessus (fruité chez Olivia Doray, un peu plus ancré dans le grave pour Katalin Szutrély) tout à la fois se singularisent et se complètent, ce qui nous vaut notamment un beau duo (« Ut intellexit Didymus ») dans le O filli et filiae. David Witczak fait valoir un beau timbre clair et une ligne de chant soignée, au service de la supplique émue du Judica me Deus ou du beau récit de basse-taille de l’Usquequo, Domine. Le timbre naturellement touchant de Mathias Vidal confère une belle émotion à ses interventions, et Cyrille Dubois déploie une ligne de chant sobre et stylée, que vient ici ou là colorer une virtuosité discrète, toujours empreinte de musicalité.

Un CD qui vient combler une importante lacune discographique, ces motets de Gervais n’ayant, à notre connaissance, jamais été enregistrés[1] : n’hésitez pas !

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[1] En septembre dernier est paru un CD proposant une autre sélection de motets de Gervais : Grands Motets pour la Chapelle de Louis XV, avec les Ombres et le Chœur du Concert spirituel sous la direction de  Sylvain Sartre (CD Château de Versailles Spectacles).