Les Siècles, dir. François-Xavier Roth
Les Nuits de Paris
Œuvres de Jules Massenet, Hervé, Jeanne Danglas, Isaac Strauss, Théodore Dubois, Émile Waldteufel, Charles Gounod, Victorin Joncières, Camille Saint-Saëns, Ambroise Thomas, Ernest Guiraud, Philippe Musard, Léo Delibes.
1 CD Palazzetto Bru Zane, enregistré au Théâtre Raymond Devos à Tourcoing, les 8 et 9 janvier 2022 (27 janvier 2023).
On le sait, la danse fut toujours une passion française, et c’est en insérant des ballets que Lully put donner naissance à l’opéra dans notre pays, c’est en ajoutant un ballet que Wagner put faire représenter Tannhäuser à Paris. Après avoir grandement contribué à la redécouverte du répertoire lyrique français du XIXe siècle, du grand opéra jusqu’à l’opérette, après avoir œuvré pour la mélodie et pour les partitions orchestrales, le Palazzetto Bru Zane s’attaque cette fois à un autre pan de notre patrimoine : la musique chorégraphique.
Autrement dit, on ne chante pas du tout sur le disque Les Nuits de Paris enregistré par Les Siècles sous la direction de François-Xavier Roth, mais cela ne signifie pas que l’opéra en soit absent, comme le précise en anglais le sous-titre de ce CD : « Dance Music from Folies Bergères to Opéra ». Bien entendu, sur soixante-dix minutes de musique, de nombreuses plages n’ont aucun lien avec les scènes lyriques : les valses célèbres d’Emile Waldteufel étaient destinées à faire danser le Second Empire, tout comme les danses composées par son aîné Philippe Musard, seul des compositeurs ici rassemblés à être né au XVIIIe siècle. Mais ce programme nous fait aussi découvrir le travail d’Isaac Strauss, collaborateur d’Offenbach pour la « mise en quadrille » de ses succès scéniques. On obtiendra aussi confirmation qu’Hervé, tout « compositeur toqué » qu’il ait été, n’en était pas moins un orchestrateur raffiné, comme en témoignent les deux extraits de ballets qu’il conçut pour Londres où il vécut plusieurs années. Si Coppélia reste avec Lakmé l’autre titre de gloire de Léo Delibes, il n’en va pas de même de tous ses confrères, dont la postérité a négligé les incursions dans le genre chorégraphique : Théodore Dubois est ainsi l’auteur d’un ballet en trois actes, La Farandole (1883), Guiraud triompha dix ans auparavant avec un ballet intitulé Gretna-Green, et Massenet proposa à Vienne, en même temps que Werther, son savoureux ballet Le Carillon.
Et bien sûr, il y a les ballets figurant dans les opéras : les plus célèbres, comme celui que Gounod dut ajouter à son Faust dix ans après sa création, mais aussi de nettement moins connus, comme celui qui figure dans Le Timbre d’argent de Sains-Saëns (dont l’héroïne était incarnée par une danseuse), ou dans Le Chevalier Jean de Victorin Joncières. Ou même ces pages où les rythmes de danse s’imposent même s’il ne s’agit pas de ballet, comme l’ouverture de l’opéra historique Raymond (1851), d’Ambroise Thomas. Autant de pages assez irrésistiblement entraînantes, restituées avec élan par Les Siècles, et qui donnent souvent envie d’en savoir davantage sur ces partitions trop vite oubliées.