Philippe Jaroussky : contre-ténor
Ensemble L’Arpeggiata
Christina Pluhar : théorbe
Josep Maria Marti Duran : théorbe, guitare
Flora Papadoupoulou : harpe
Rodney Prada : viole de gambe
David Mayoral : percussions
Passacalle de la Follie
Œuvres de Pierre Guedron, Antoine Boësset, Estienne Moulinié, Michel Lambert, Robert De Visée, Marin Marais, Henry de Bailly, Gabriel Bataille, Louis de Caix d’Hervelois
1 CD Erato, 17 février 2023
Philippe Jaroussky doit enregistrer. Lorsqu’un label dispose d’une telle poule aux œufs d’or, pas question de la laisser s’endormir sur ses lauriers. Alors, pour renouveler l’offre, on lui fait rencontrer tel ou tel artiste, la renommée de chacun étant censée servir l’autre, les fans de l’un rejoignant ceux de l’autre. En l’occurrence, ce n’est pas la première fois que le contre-ténor associe son talent à celui de Christina Pluhar à la tête de son ensemble L’Arpeggiata : il était déjà présent, aux côtés d’autres voix, dans les albums Teatro d’amore en 2009, Via Crucis en 2010, Los Pajaros perdidos en 2012, Music for a While en 2014, Himmelsmusik en 2018. Mais cette fois, Philippe Jaroussky est le seul chanteur ; son nom et son visage occupent sur la pochette autant de place que ceux de madame Pluhar. Le message est donc clair, et les fans de « Fifi » ne pourront pas le manquer.
L’œil peut ensuite être attiré par le titre, à l’orthographe étonnante car délicieusement archaïque : non pas « passacaille », à la française, mais « Passacalle », à l’espagnole, tout comme « Follie » plutôt que « folie » renvoie à l’acclimatation italienne (follia) des Folies d’Espagne. Façon subtile de laisser deviner que le programme, bien que largement français, inclura aussi des influences plus méridionales. Il n’y a en fait que des compositeurs de l’hexagone, ayant pour la plupart été actifs au XVIIe siècle, mais plusieurs titres sont en espagnol, et un en italien, sans oublier les susdites Folies d’Espagne arrangées par Robert de Visée et par Marin Marais. Beaucoup d’airs de cour, dont l’incontournable « Vos mépris chaque jour » de Michel Lambert, accompagnés par le théorbe de Christina Pluhar, auxquels se joignent quelques autres instruments, surtout pour les airs moins français, notamment guitare et percussions.
Dans cette alternance bienvenue de pages gaillardes et d’airs plus méditatifs, la virtuosité est rarement très sollicitée, mais Philippe Jaroussky devrait une fois de plus ravir les amateurs de contre-ténors. S’il n’a pas la sensualité que des voix plus graves savent imprimer à ce répertoire, le timbre possède toujours une belle limpidité, et le chanteur a l’art de déclamer les textes de manière à transcender des vers parfois bien naïfs (« Elle aime son troupeau, sa houlette et son chien, Et je ne saurais aimer qu’elle »…). Ses fans n’auront aucun mal à y trouver leur opium, pour reprendre le titre du disque que le contre-ténor avait consacré à la mélodie française du XIXe siècle.
1 commentaire
N’est-il pas normal, voire élégant et respectueux de donner au public ce qu’il aime pour le remercier de la fidélité avec laquelle il a suivi ces musiciens?