Lawrence Brownlee, ténor
Kevin J. Miller, piano
Rising
Mélodies de Damien Sneed, Brandon Spencer, Jasmine Barnes, Joel Thompson et Shawn E. Okpebholo, sur des textes de poètes de la « Harlem Renaissance » (Alice Dunbar Nelson, Claude McKay, Langston Hughes et James Weldon Johnson).
1 CD Warner Classics. Enregistré du 16 au 18 décembre 2022 à Boston (65’45)
Le ténor américain Lawrence Brownlee est bien connu pour ses brillantes prestations dans le répertoire rossinien et donizettien. A l’Opéra de Paris, on a pu l’applaudir dans Le Barbier de Séville, L’Italienne à Alger, Cenerentola ou Don Pasquale. En remontant un peu plus loin dans l’histoire de l’art lyrique, il a même tenu le rôle-titre de Platée à Garnier. Mais pour son nouveau disque, il se tourne résolument vers notre époque, du milieu du XXe siècle jusqu’à nos jours.
Dans une note liminaire, l’artiste se déclare soucieux d’apporter quelques mots de réconfort au milieu d’une période troublée. Ces bonnes paroles, il est allé les chercher dans les textes des poètes de la « Harlem Renaissance » de l’entre-deux-guerres, alors appelée New Negro Movement, et principalement du plus illustre représentant de la jazz poetry, Langston Hughes (1901-1967). Un grand nombre de ses poèmes furent mis en musique par le compositeur noir américain Robert Owens (1925-2017), et le disque de Lawrence Brownlee se conclut précisément avec l’exécution de deux recueils de ses mélodies : Desire, op. 13 et Silver Rain, op. 11. C’est aussi à Langston Hughes que Margaret Bonds (1913-1972), l’une des premières pianistes et compositrices noires, a emprunté en 1955 le texte de ses quatre Songs of the Seasons.
Mais Owens et Bonds sont les deux seuls compositeurs à n’être plus en vie parmi tous ceux qui figurent ici au programme, le ténor ayant eu l’idée de solliciter ses contemporains afro-américains pour qu’ils lui écrivent des mélodies. Ils sont six, nés entre 1978 et 1992 : du plus âgé au plus jeune, Jeremiah Evans, Damien Sneed, Shawn E. Okpebholo, Joel Thompson, Jasmine Barnes et Brandon Spencer (une erreur sur le boîtier a interverti les dates de naissance de ces deux derniers). Cela dit, que l’on ne s’y méprenne pas : ce n’est pas parce qu’un compositeur a moins de cinquante ans qu’il écrit forcément une musique « moderne », surtout s’il vit aux Etats-Unis, et certains parmi les six semblent être non seulement de farouches partisans de la tonalité, mais aussi vouloir composer de jolies chansons assez oubliables.
On laissera donc à l’auditeur le soin de juger selon ses préférences personnelles, en remarquant simplement que ces compositeurs se montrent très sensibles à la présence d’onomatopées dans certains poèmes – sous la plume d’autres grands noms de la Harlem Renaissance comme Claude McKay, surtout, ou James Weldon Johnson : on pense notamment à « Dance of Love » de Spencer, à « My People » de Thompson ou à « Romance » d’Okpebholo. Même si les compositions plus anciennes d’Owens et de Bonds paraissent souvent plus frappantes, comme l’admirable « Summer Storm » de cette dernière, on reconnaîtra à l’entreprise une indéniable sincérité, admirablement servie par le pianiste Kevin J. Miller et par Lawrence Bronwlee, dont le registre aigu est sollicité, même s’il n’est pas ici fait appel à cette virtuosité grâce à laquelle il s’est surtout illustré, mais qui offre d’interminables notes tenues. Et comment refuser l’invitation d’une si belle voix à chanter « non seulement nos combats, mais aussi nos triomphes » ?