CD – Antonio CALDARA : Airs pour basse, par Alexandre BALDO
Alexandre Baldo, basse
Ensemble Mozaïque
Gabriele Toscani, Angelika Wirth, violons
Joanna Patrick, alto
Celeste Casiraghi, violoncelle
Chloé de Guillebon, clavecin
Elias Conrad, théorbe & guitare baroque
Antonio CALDARA, Airs pour basse
Aria « Sù cedete al dio dell’armi » (La contesa de’ numi, 1723)
Récitatif « Così dunque tradisci » et Aria « Aspri rimorsi atroci » (Il Temistocle, 1736)
Aria « Tronchi, sì, la falce irata » (Cajo Marzio Coriolano, 1717)
Aria «Vedea modesto volto » (Mitridate, 1728)
Aria «Minaccerà le sponde » (Scipione nelle Spagne, 1722)
Introduzione (Ifigenia in Aulide, 1718)
Aria « Quanto ria tal pena sia » (Scipione Africano il maggiore, 1735)
Aria « Più di belva » (Il Batista, 1727)
Sinfonia (Santa Ferma, 1717)
Récitatif « Sapienza increata » et Aria « Quando il tenero tuo labbro » (Gesù presentato nel tempio, 1735)
Aria « Furie implacabili » (Nitocri, 1722)
Enregistré en mai 2022 à St Florian (Autriche)
1 CD Pan Classics (60:00′) – mai 2023
Altiste de formation (il s’est produit professionnellement en tant que tel jusqu’en 2019 au sein du Mozarteum Orchester Salzburg), Alexandre Baldo s’est il y a peu tourné vers le chant… et il a fort bien fait, si l’on en croit les prix récemment glanés lors de divers concours internationaux (Concorso Musica Sacra de Rome, Internationaler H.I.F. Biber Wettbewerb). Nous avions pour notre part remarqué son talent à l’occasion du très beau concert donné récemment à l’Amphithéâtre Bastille par les lauréats du programme « Tremplin » du fonds de dotation Tutti, ou encore lors du concert anniversaire de ODB Opéra.
Fort de ces succès et de cette reconnaissance tout récents, Alexandre Baldo se présente aujourd’hui au public avec un album entièrement consacré au compositeur Antonio Caldara (1670-1736). Lors de son séjour autrichien, le jeune baryton-basse a en effet été fasciné par une série de manuscrits du compositeur italien découverts à la Österreichische Nationalbibliothek de Vienne. De fait, Caldara, après une première carrière italienne (il fut violoncelliste et chanteur à Venise, maestro di cappella da chiesa e da teatro à Mantoue, compositeur de cantates et d’opéras reconnu à Rome), quitta son pays natal pour s’établir en Autriche en 1716 où il devint vice-maître de chapelle à la cour impériale. Il y travaillera à un rythme effréné, allant jusqu’à composer trois opéras par an ! Ébloui par cette musique assez oubliée aujourd’hui[1], Alexandre Baldo constate également que les pages qui l’intéressent – parce que correspondant à sa tessiture – ont quasi toutes été chantées par un seul et même interprète : Christoph Praun. De fait, cet album se présente ainsi comme un double hommage : au compositeur italo-autrichien, mais aussi à cette basse, membre de la Hofkapelle de Vienne dès 1715, ayant chanté dans plus d’une centaine d’opéras et oratorios, et très célèbre en son temps pour sa tessiture extrêmement étendue et sa remarquable virtuosité,
Alexandre Baldo est ici accompagné de l’Ensemble Mozaïque, qui compense une (relative) ténuité de la pâte sonore (l’ensemble ne compte que six musiciens, dont vous trouverez les noms dans la rubrique « Artistes », pour sept instruments : deux violons, un alto, un violoncelle, un clavecin, un théorbe et une guitare baroque) par un jeu très délicat, précis et nuancé ainsi qu’une vraie capacité à dialoguer avec le chanteur. (À cet ensemble sont réservées deux pages purement instrumentales : l’Introduzione d’Ifigenia in Aulide et la Sinfonia de l’oratorio Santa Ferma). Alexandre Baldo fait quant à lui valoir de très belles qualités de timbre : la voix est longue (écoutez l’air de Scipione nelle Spagne, qui sollicite les deux extrêmes de la tessiture !), le timbre est clair, ce qui lui permet une grande netteté dans la diction ; mais les qualités sont aussi techniques : le jeune chanteur affronte crânement les coloratures des airs de bravoure qui émaillent le programme (belle maîtrise du chant orné dans Scipione nelle Spagne ou Il Batista), mais fait aussi valoir une appréciable souplesse vocale permettant de se glisser avec aisance dans les mélismes vocaux de l’extrait de Cajo Marzio Coriolano, ainsi qu’un legato soigné et une belle maîtrise du souffle. Attentif aux situations dramatiques mises en musique par Caldara, Alexandre Baldo prend soin également de donner vie aux personnages qu’il incarne et de les caractériser au mieux, même si nous le trouvons – pour l’instant – plus convaincant dans la retenue et l’introspection douloureuse (telles qu’elles se manifestent dans les airs de Sebaste – Il Temistocle – et Ostane – Mitridate –, avec un très beau chant pianissimo et de superbes mezze voci) que dans le caractère martial ou colérique des personnages les plus noirs, la projection vocale – déjà tout à fait appréciable – pouvant sans doute, avec le temps, gagner en autorité chez ce jeune chanteur encore à l’orée de sa carrière.
Alexandre Baldo dispose d’ores et déjà quoi qu’il en soit d’un large panel de qualités (remarquées par Hervé Niquet avec qui il a récemment chanté le rôle du Mage dans Le Mariage forcé), dont vous pourrez vous rendre compte à l’écoute de cet album – ou, si toutefois vous êtes parisien, en assistant au concert « Airs pour la Cour de Vienne – Antonio Caldara » qu’Alexandre Baldo et l’Ensemble Mozaïque donneront le 22 juin prochain salle Cortot[2].
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[1] Le contre-ténor Valer Sabadus a cependant fait paraître chez Sony un album Caldara en 2015, mais avec des pages extraites d’œuvres toutes différentes de celles ici retenues.
[2] Le même programme sera également donné au festival de Saintes le 20 juillet prochain.