Marie-Claude Chappuis, mezzo-soprano
Christian Chamorel, piano
Hans Egidi, alto
Quatuor Sine Nomine
Aber die Liebe… But the greatest of these is love.
Brahms, Vier ernste Gesänge op. 121, Lideder & Piano Pieces.
1 CD Prospero PROSP 0058. 55’24. Enregistré en janvier 2021 à La Chaux-de-Fonds
Peut-être à cause de leur simplicité souvent revendiquée, les mélodies de Brahms n’ont pas toujours la place qu’elles mériteraient dans les récitals. Bien que brillant pianiste, admirateur de Clara Schumann, Brahms semble n’avoir jamais voulu trop exploiter le brillant de l’instrument, ou le faire entrer en compétition avec la voix, à laquelle il ne demande pas non plus de virtuosité particulière. Aux lieder avec piano seuls, faut-il alors préférer les compositions sollicitant d’autres instruments ? Il est en effet bien difficile de résister aux courbes voluptueuses de l’alto dans les Zwei Gesänge opus 91.
On comprend mieux dès lors que Marie-Claude Chappuis ait souhaité enregistrer la version des Quatre chants sérieux opus 121 qu’avait arrangée pour quatuor à cordes son compatriote le violoniste et chef Jean-Pierre Moeckli, décédé en juin dernier. Ce cycle de quatre pièces sur des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, initialement conçu pour voix grave – un baryton, à la création – et piano acquiert dans cette orchestration un charme irrésistible et achève admirablement un programme qui prend soin d’alterner les formations : voix et piano, piano seul, voix, alto et piano, voix et quatuor. Les œuvres vont pratiquement d’un bout à l’autre de la carrière de Brahms, depuis « Von ewiger Liebe » et « Der Mainacht » extraits de l’opus 43 (1857-1864) jusqu’à ce fameux opus 121, composé en 1896 en réaction à la mort de Clara Schumann.
L’auditeur est séduit dès la première plage, le disque s’ouvrant avec le charmant « Meine Liebe ist grün ». Même lorsqu’il met en musique des poèmes d’aspect presque naïf, Brahms sait s’affranchir de la forme strophique. Grâce à son timbre clair de mezzo, Marie-Claude Chappuis évite à la fois deux écueils, celui de la mièvrerie qui guetterait une voix trop légère comme celui des couleurs trop sombres, trop mûres pour ce répertoire. C’est la fraîcheur de cette interprétation qui frappe surtout, arrachant Brahms à l’image austère dont il pâtit parfois.
Les respirations instrumentales – trois des sept « Fantaisies » de l’Opus 116 (1892) – permettent à Christian Chamorel de déployer un jeu chatoyant. Hans Egidi rejoint la chanteuse et le pianiste pour les Zwei Gesänge, le son chaud de son alto s’entrelaçant à la déclamation de la mezzo suisse. Enfin, c’est au quatuor helvétique Sine Nomine qu’il incombe d’accompagner la voix ductile de Marie-Claude Chappuis dans les « chants sérieux ». Et l’on se laisse ravir par le déroulement sinueux de ces quatre derniers lieder de Brahms, où l’on trouve malgré soi quelque chose de quasiment straussien.