Une bien belle Maguelone !
Stéphane Degout, baryton
Marielou Jacquard, mezzo-soprano
Alain Planès, piano
Roger Germser, récitant
JOHANNES BRAHMS 1833–1897
La Belle Maguelone op 33 ‑ 1869
Cycle de 15 Romances d’après le roman de Johann Ludwig Tieck Les Amours de la Belle Maguelone et de Pierre, Comte de Provence (1797).
Élisabeth Germser récit, d’après le manuscrit anonyme de Cobourg (1453).
1 CD b-records, parution en octobre 2023
Enregistrée « live » la saison dernière au Théâtre de l’Athénée, le cycle brahmsien est rarement donné en France et il fallait bien un Stéphane Degout pour oser porter un tel projet. Plus qu’un récital de notre illustre baryton, cette Belle Maguelone est avant tout un magnifique travail d’équipe et une vraie rencontre artistique de personnalités qui s’entendent et se comprennent.
Ces 15 Romances d’après les Contes populaires de Ludwig Tieck retracent les périples amoureux de Maguelone et de Pierre, comte de Provence. Instantanés émotionnels plus que véritables scènes d’action, l’habitude a été prise d’insérer entre les lieder des textes en allemand apportant cohérence et force romanesque à l’ensemble.
Élisabeth Germser brode ici une trame narrative en français d’après le manuscrit anonyme de Cobourg (1453), source originelle des aventures de Maguelone et Pierre. Savamment mâtiné d’expressions « d’époque », son récit nous embarque dans une véritable fresque chevaleresque qui nous tient en haleine du début à la fin du disque. Admirablement porté par le comédien Roger Germser, il participe grandement à la réussite de cet enregistrement.
Stéphane Degout endosse les habits de Pierre avec son habituel talent de diseur. Tristesse, amour, attente, souffrance, désespoir, rien n’échappe au sens de la suggestion du baryton. Pas de maniérismes ici mais une parfaite maîtrise de l’art discret de la mélancolie. La voix, qui a gagné en largeur dans le médium et en épaisseur dans le grave nous réserve encore de magnifiques fulgurances dans l’aigu et impressionne toujours par cette science du legato immédiatement reconnaissable.
A ses côtés, la mezzo-soprano Marielou Jacquard incarne à la fois un ménestrel, Maguelone et Sulima, la fille du sultan de Constantinople éprise de Pierre. Elle partage avec Stéphane Degout, ce sens de la profondeur et de l’évocation pudique et inspirée. La voix est bien conduite et devrait encore gagner avec le temps en nuances et couleurs. Des qualités déjà bien présentes chez la chanteuse pourtant comme le bis (« Die Nonne und der Ritter » ) en sera la parfaite illustration et que nous aurions aimé davantage percevoir dans les lieder du cycle qui lui reviennent. Une Nonne et un chevalier final en forme d’apothéose expressive et qui conclut cette épopée musicale de la plus belle des manières, Stéphane Degout et Marielou Jacquard s’y montrant en parfaite osmose interprétative.
Au piano, Alain Planès, toujours attentif aux chanteurs et à l’action qui se dessine, se révèle être bien plus qu’un accompagnateur. Véritable protagoniste des aventures de notre belle Maguelone, il complète cette équipe avec son habituel sens du dessin sonore et de l’atmosphère narrative.
La belle pise de son de b-records finit de compléter ce magnifique travail d’équipe.
Voici assurément une bien belle Maguelone !
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Retrouvez Stéphane Degout en interview ici.