Karine Deshayes, soprano
Les Paladins, direction musicale : Jérôme Corréas
Mozart : Exsultate, jubilate !
1 CD Aparté, enregistré au Théâtre de Poissy en octobre 2022
Au début de sa carrière, Karine Deshayes a beaucoup chanté Chérubin, Elvire est à son répertoire et elle a récemment abordé la comtesse des Noces de Figaro (à Toulouse en janvier dernier). Mozart est donc un compositeur dont elle ne s’éloigne pas, et l’on comprend qu’il soit le compositeur auquel elle consacre son nouveau récital. Ce n’est pourtant pas l’opéra qu’elle y défend, mais plutôt la musique religieuse. D’autant que la chanteuse n’est évidemment pas seule sur ce disque, puisqu’elle partage la vedette avec l’ensemble Les Paladins, qui ne se contente pas du simple rôle d’accompagnateur. Une vingtaine de minutes – sur les cinquante-cinq que dure ce court CD – permettent en effet d’entendre la formation fondée et dirigée par Jérôme Corréas.
Parmi ces pièces instrumentales figurent notamment quatre de ces « sonates d’église », dont une douzaine a été enregistrée il y a peu par Louis-Noël Bestion de Camboulas dans son disque An Unexpected Mozart. Malgré leur nom, ces pages n’ont en réalité à peu près rien de religieux dans l’esprit, bien qu’elles aient été destinées à être interprétées au cours des offices. Rien de religieux non plus, bien sûr, dans la Symphonie n° 17, qui n’est pas la plus fréquentée, œuvre de jeunesse composée en 1772. Les Paladins y déploient une belle énergie, emmenés avec précision par Jérôme Corréas.
Plus manifestement religieux, le sujet d’oratorios comme La Betulia liberata ou Davide penitente, encore que les arias du premier semblent tout droit sortis d’un opera seria, tandis que le second, bien postérieur, date de la maturité du compositeur. C’est surtout la virtuosité de Karine Deshayes qui est exploitée dans ces pages : longueur du souffle, plongées dans le grave, agilité des vocalises, toutes les qualités nécessaires sont ici au rendez-vous. Virtuosité encore, mais pas seulement, avec l’Exsultate, jubilate écrit en janvier 1773 pour Venanzio Rauzzini ; ce castrat soprano venait d’incarner Cecilio dans Lucio Silla le mois précédent. Jérôme Corréas adopte pour ce motet des tempos relativement mesurés, qui ne met jamais la soliste en difficulté, l’expressivité étant préférée à une vélocité gratuite.
Le programme est complété par deux fragments d’œuvres religieuses où, après ces cascades de notes, c’est la sérénité est privilégiée (comme dans le « Tu virginum corona » de l’Exsultate) : le beau « Laudate Dominum » des Vêpres d’un confesseur et l’ »Agnus Dei » de la Messe du couronnement. La voix de Karine Deshayes s’y épanouit avec une belle générosité.
Maintenant, alors qu’elle enchaîne les prises de rôle (Valentine des Huguenots à Bruxelles, Selika de L’Africaine à Marseille), c’est dans le grand opéra français que l’on aimerait entendre Karine Deshayes au disque. Mozart lui va très bien, on en convient volontiers, mais à quand Meyerbeer ?