CD – Cyrille DUBOIS : « Jouissons de nos beaux ans ! »
Cyrille Dubois, haute-contre
Orfeo Orchestra – Purcell Choir, dir. György Vashegyi
Jouissons de nos beaux ans !
- Tarsis et Zélie : « Impétueux torrent, dont l’onde menaçante… »
- Tarsis et Zélie : Prélude pour Arthémis
- Les Amours de Tempé : « Mille tendres oiseaux sous cet ombrage frais… »
- Castor et Pollux : Sarabande pour Hébé et sa suite
- Les Boréades : « Jouissons de nos beaux ans… »
- Les Fêtes de Paphos : « L’amour suit cet objet charmant… »
- Le Triomphe de l’Harmonie : « Chantez l’amour, chantez ses traits victorieux »
- Daphnis et Églé : Premier et second Tambourins
- Zaïde, reine de Grenade : Air pour les Turcs en rondeau
- Les Amours de Tempé : « Verse, Amour, le jus de la treille »
- Zaïs : Ouverture
- L’Aurore et Céphale : « Dieux cruels, dieux impitoyables… »
- Le Triomphe de l’Harmonie : « Arrêtons-nous dans ce boccage… »
- Le Triomphe de l’Harmonie : « Nous jouissons de nos asiles… »
- Le Triomphe de l’Harmonie : « Quels accords ! ces tendres concerts… »
- Le Triomphe de l’Harmonie : « Lieux embellis par les pleurs de l’aurore… »
- Le Triomphe de l’Harmonie : « Hylas! où vous retient la fortune cruelle ? » …
- Deucalion et Pyrrha : « Dans ce fatal instant, quels vœux puis-je former ! … »
- Les Fêtes de Polymnie : « Peuples heureux, unissez-vous à moi… »
- Les Caractères de la Folie : « Aveugle Dieu, tyran des âmes… »
- Ovide et Julie : « Déguisez bien, mon cœur, le feu qui vous dévore… »
- Phaétuse : « Éclatez, bruyant tonnerre… »
- Titon et l’Aurore : « Que vois-je ? suis-je prêt à finir ma carrière ? … »
- Les Boréades : Descente de Polymnie
- La Guirlande : « Sons brillants, céleste harmonie… »
- Le Pouvoir de l’Amour : « Air pour les Jeux et les Plaisirs »
- Les Amours de Tempé : « La jeune beauté qui m’enflamme… »
- Platée : Air pantomime
- Platée : « Chantons Bacchus, chantons Momus… »
1 CD Aparté – enregistré en 2022
Placé sous le signe de Rameau et de ses Boréades, ce récital de Cyrille Dubois est un pur délice, tant par le choix subtil d’un programme qui multiplie les découvertes que par l’interprétation superlative d’un chanteur que l’on ne présente plus.
Placé sous le signe de Rameau et de ses Boréades, ce récital de Cyrille Dubois est un pur délice. Tant par le choix subtil d’un programme qui multiplie les découvertes et fait une grande place aux chœurs, que par l’interprétation superlative d’un chanteur que l’on ne présente plus. Ici encore, nous retrouvons son art de la diction qui fait un sort à chaque mot, sans aucune affectation, mais avec un naturel musical confondant, se riant de toutes les difficultés d’écriture en les faisant totalement oublier.
Le haute-contre (ou ténor léger, selon une terminologie plus romantique) à la voix claire, au timbre qui a la douceur du miel, aux vocalises infaillibles, nous a déjà si souvent charmé, d’une intégrale marquante des mélodies de Fauré au répertoire baroque.
Il sait être « So romantique ![1] » dans Hector Berlioz, Félicien David, Georges Bizet ou avec un formidable disque de mélodies de Franz Liszt. Avec Hervé Niquet, il chante Saint-Saens (Phrynée) ou Reynaldo Hahn (L’Île du rêve) et Fromental Halévy (La Reine de Chypre). Travaillant fréquemment avec Christophe Rousset, Cyrille Dubois participa à de multiples aventures des Talens Lyriques : Pygmalion de Rameau, Renaud de Sacchini, Les Horaces ou Tarare de Salieri.
À chaque fois, les échos ne sont pas flatteurs : ils sont dithyrambiques. Logiquement, le ténor vient d’être récompensé par un Gramophone Award. Cet automne, on le voit sur les planches de l’Opéra Bastille dans L’affaire Makropoulos de Janacek mais aussi dans le Don Giovanni de Mozart. Et il incarnera, en novembre, Tamino de La Flûte enchantée[2].
De flûte, il est d’ailleurs beaucoup question dans ce disque. Car l’instrument bucolique de l’air de Dauvergne, extrait des Amours de Tempé, donne le ton d’un album magique où ces sonorités de flûte reviennent tel un appel au bien-être et au calme.
Le choix des partitions donne à entendre dix compositeurs, Rameau trônant en majesté au cœur d’extraits de dix-huit œuvres lyriques et avec la moitié des partitions qui nous sont proposées en première mondiale. L’une des grandes originalités étant la place importante des chœurs dans ces choix de répertoires souvent nouveaux.
C’est à une invitation au voyage que nous convient les artistes. Car dans cet enregistrement, « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme, et volupté[3] » des chants. Ici un chœur de nymphes signé Mondonville, là des tambourins du très oublié Daphnis et Églée de Rameau ou un chœur du tonnerre, tiré de Phaétuse signé de l’inconnu Pierre Iso… Rien ne dépare l’impression d’ensemble de musiques de noble facture, des fureurs des Caractères de la folie signés Bernard de Bury comme de la joliesse d’Ovide et Julie de Jean-Baptiste Philibert Cardonne qui s’enchaîne.
Déchirant dans l’air de Francœur « Dieux cruels, dieux impitoyables », Cyrille Dubois enchaîne avec une grâce délicate l’intégralité du Triomphe de l’harmonie, une pastorale bucolique de François Lupien Genet. L’air « Lieux embellis par les pleurs de l’aurore » est sans doute l’acmé poétique du disque. À moins que ce ne soit la première partie de l’air de Rameau « Peuples heureux… », tiré des Fêtes de Polymnie… Là, Cyrille Dubois nous emmène dans un temps suspendu que l’on se prend à vouloir éterniser, tant le chant si touchant est d’une pure suavité.
Pour tout ce voyage, l’artiste est magnifiquement entouré par l’Orchestre hongrois Orfeo et le beau chœur Purcell emmenés par la direction attentive de György Vashegyi. La connivence entre le chef et le chanteur n’est pas de circonstance. Ils se connaissent depuis déjà longtemps, ayant enregistré Polydore de Stuck ou Dardanus de Rameau.
« Que vois-je ? Suis-je prêt à finir ma carrière ? » chante Cyrille Dubois sur la musique de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville. Rassurons-nous, cet air n’a rien d’autobiographique. Car dans ce disque, ciselé comme un joyau, « La joie y vole avec ses traits ». C’est ce que chante Bacchus-Dubois dans Les amours de Tempé de Dauvergne. Oui, « Jouissons de nos beaux ans » pendant qu’il est temps, avec ce moment qui renferme un calme, une sérénité et de purs moments de grâce.
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[1] Titre d’un album paru chez Alpha
[2] La Flûte enchantée du 14 au 24 novembre au Théâtre des Champs Élysées.
[3] Baudelaire, L’invitation au voyage.