CD – Le Souffle de l’âme de Thierry Escaich – Avec ou sans la foi
Chœur de chambre Dulci Jubilo, direction : Christopher Gibert. Thomas Ospital, orgue.
Thierry Escaich. Le Souffle de l’âme
1 CD Anima Nostra, 58 minutes
Qui dit musique sacrée dit souvent orgue et chorale. Sur ce plan, le disque de pièces de Thierry Escaich que fait paraître le label Anima Mostra n’échappe pas à la règle, puisqu’il inclut un morceau intitulé Evocation IV pour orgue seul, de près de dix minutes, et même un hymne grégorien dont le compositeur n’est pas l’auteur, ce Verbum supernum prodiens appartenant à la tradition (même si Evocation IV s’appuie précisément, comme point de départ, sur cette mélodie reprise par Nicolas de Grigny dans son Premier livre d’orgue).
Ce disque inclut pourtant plusieurs autres pièces, d’inspiration tout aussi religieuse, mais qui ne correspondent pas étroitement à l’idée qu’on peut se faire du genre. A condition de se rappeler qu’il a été défendu au XXe siècle par des génies comme Messiaen ou Ligeti, on envisage mieux tout le plaisir musical que peuvent apporter les compositions de Thierry Escaich, qu’on les écoute avec les oreilles d’un croyant ou avec celles d’un simple mélomane.
Comment, en effet, ne pas être frappé par l’efficacité immédiate des Trois Motets de 1998 qui ouvrent le programme ? Escaich (né en 1965) nous plonge d’emblée dans une atmosphère de trouble mystère, dans une sorte de brume vocale que viennent bientôt soutenir les différentes facettes de l’orgue. On se laisse sans peine emporter par la beauté énigmatique de ces trois pages bien diversifiées par leurs rythmes très contrastés, notamment par leur traitement des voix, ici le chœur de chambre Dulci Jubilo, réduit pour cette œuvre à la moitié de ses effectifs. Sous la direction de Christopher Gibert, les douze chanteurs impressionnent entre autres par la netteté de leur diction, qualité d’autant plus remarquable que l’acoustique de l’église Saint-Eustache, où a eu lieu l’enregistrement, n’est pas toujours tendre avec les formations qui s’y produisent.
Même si elle donne initialement une impression de moindre énergie, la Messe romane pour deux chœurs et orgue (2014) n’en fait pas moins appel aux mêmes harmonies dépaysantes et déploie d’envoûtantes volutes vocales – avec cette fois les vingt-quatre chanteurs de Dulci Jubilo – sur le texte liturgique en latin (là où les Trois Motets s’appuyaient sur des poèmes en français d’Alain Suied).
Le programme s’achève sur un Magnificat pour lequel l’organiste Thierry Ospital improvise, comme il le fait pour l’Offertoire de la Messe romane, entre les versets chantés, là encore, sur la mélodie héritée des siècles passés. Au lieu de ces dix minutes de retour à la tradition (le principe de l’improvisation à l’orgue est lui aussi hérité de l’époque baroque), on n’aurait pas refusé un peu plus de musique de Thierry Escaich, mais tel qu’il se présente, ce disque n’en offrira pas moins de belles découvertes à qui ne connaîtrait pas encore l’œuvre de ce compositeur, qui poursuit également son chemin dans le domaine de l’opéra (créé en 2021, Point d’orgue tournait encore il y a peu sur les scènes de France et de Navarre).