Pierre Génisson, clarinettes
Karine Deshayes, mezzo-soprano
Concerto Köln dirigé par Jacob Lehmann
W.A. Mozart
Le nozze di Figaro, K. 492, Act 2: « Voi che sapete » (Arr. Fontaine for Clarinet and Orchestra)
Così fan tutte, K. 588, Act 1: « Come scoglio » (Arr. Fontaine for Clarinet and Orchestra)
Così fan tutte, K. 588, Act 1: « Soave sia il vento » (Arr. Fontaine for Clarinet and Orchestra)
Clarinet Concerto in A Major, K. 622: I. Allegro
Clarinet Concerto in A Major, K. 622: II. Adagio
Clarinet Concerto in A Major, K. 622: III. Rondo. Allegro
La clemenza di Tito, K. 621, Act 1: « Parto, parto, ma tu ben mio »
Così fan tutte, K. 588, Act 2: « Una donna a quindici anni » (Arr. Fontaine for Clarinet and Orchestra)
La clemenza di Tito, K. 621, Act 2: « Ecco il punto, o Vitellia »
La clemenza di Tito, K. 621, Act 2: « Non più di fiori »
Requiem in D Minor, K. 626: VIII. Lacrimosa (Arr. Fontaine for Clarinet, Organ and Fender Rhodes)
Erato – 2023
C’est un disque passionnant que celui de Pierre Génisson. Il est tout entier à la gloire de la clarinette – la suavité comme la virtuosité de celles jouées par le clarinettiste sont admirables, car il change d’instrument en fonction des partitions et c’est un vrai régal de sonorités plus suaves les unes que les autres.
C’est aussi un disque étrange, tout d’abord par le titre, Mozart 1791, alors que plusieurs œuvres proposées sont antérieures. Qu’importe, puisque l’essentiel regarde vers le dernier Mozart, celui de La Clémence de Titus, du Requiem, et bien sûr, du fameux Concerto Kv. 622, pièce maîtresse de cet enregistrement. C’est là un fabuleux moment de grâce, de technique transfigurée, tant Génisson maîtrise toutes les difficultés et subtilités de son instrument – ici une clarinette de basset Buffet Crampon en la. C’est le grand moment du disque avec un accompagnement alerte, poétique du Concerto Köln, toujours aussi pertinent. L’interprétation de Génisson, avec ses pianissimi impalpables, se rapproche de la vision que donnaient de ce concerto, dès son plus jeune âge, Paul Meyer, ou bien Florent Héau que Pierre Génisson connait bien pour avoir travaillé dans sa classe du Conservatoire de Rueil.
Ce qui surprend le plus, ce sont les arrangements de nombreuses pages vocales tirées d’opéras mozartiens et même du Requiem, avec un Lacrymosa (dont Mozart ne laissa que quelques mesures) arrangé avec re-recording, pour deux clarinettes, orgue et Fender Rhodes, accompagné par Bruno Fontaine, l’arrangeur de toutes les transcriptions. Le résultat inattendu est irréel et clôt ce disque avec une étrange étrangeté.
L’enregistrement s’ouvre avec le « Voi che sapete », réinventé sans autre voix que celle de la clarinette, volubile à l’excès car multipliant les appoggiatures ; c’est pour le moins étrange. De même pour le « Come scoglio » ou le trio « Soave sia il vento » de Cosi fan tutte, dans lequel le re-recording multiplie les clarinettes. C’est un choix artistique qui peut interroger, irriter ou séduire. Transcrire l’air de Despina « Una donna a quindici anni » en prenant de vraies libertés avec la partition et avec son esprit, en forçant la note, surprend tout autant.
Choix étrange ? Annexions amoureusement caressées par le clarinettiste qui, heureusement, ne fait pas subir le même sort aux deux grands airs de La Clémence de Titus avec clarinette de basset pour l’air de Sesto et cor de basset pour celui de Vitellia. Là, Pierre Génisson joue le jeu de l’instrument demandé par Mozart, somptueusement réalisés par le facteur belge Riccardo von Vitorelli.
Riccardo von Vitorelli par Ralph Couzon
Pour ces deux airs, aucun arrangement mais Pierre Génisson a fait appel à une amie, la mezzo Karine Deshayes. Ses graves, sa ligne de chant, son interprétation, tout vient magnifier ces deux partitions majuscules. L’ombre de Mozart, rayonnante, est bien là, comme celle d’Anton Stadler, son ami clarinettiste et frère de loge maçonnique.