Marina Viotti, mezzo-soprano
Gli Angeli Genève
Stephan MacLeod, direction musicale
Mezzo Mozart
Così fan tutte K. 588
Recitativo « Ah, scostati »
Aria « Smanie implacabili » (Dorabella)
Ch’io mi scordi di te K. 505
Recitativo « Ch’io mi scordi di te»
Rondo « Non temer, amato bene »
Le nozze di Figaro K. 492
Recitativo « Giunse alfin il momento »
Aria « Deh vieni, non tardar » (Susanna)
Mitridate, rè di Ponto K. 87
Aria « Venga pur, minacci e frema » (Farnace)
Ascanio in Alba K. 111
Recitativo « Perchè tacer degg’io? »
Aria « Cara, lontano ancora » (Ascanio)
Exsultate, jubilate K. 165
Le nozze di Figaro K. 492
Arietta « Voi che sapete » (Cherubino)
La finta giardiniera K. 196
Aria « Va’ pure ad altri in braccio » (Ramiro)
La clemenza di Tito K. 621
Aria « Parto, ma tu ben mio » (Sesto)
Messe en ut mineur K. 427
Laudamus te
1 CD label Aparté, sorti le 7 juin 2024.
La simplicité et l’absence du besoin d’éblouir de la part de l’interprète et de l’orchestre, viennent en toute humilité rendre honneur au compositeur. Espérons qu’il y en aura encore beaucoup d’autres récitals de cette qualité !
L’exercice du disque « récital », injustement décrié, est souvent décrit comme « daté » et remontant aux années 70 et 80 où chaque chanteur avait presque son album annuel ! D’innombrables disques avaient en effet tendance à fleurir, voire à envahir les bacs au détriment d’enregistrements pensés avec un vrai élément liant l’ensemble des morceaux. Ce liant, Marina Viotti le propose ici dans son dernier opus, et explique dans le livret que l’idée est de démontrer la diversité vocale des rôles féminins chez Mozart.
Il s’agit donc de montrer que certains rôles mozartiens étaient pensés à l’origine pour des sopranos à la voix plus grave que ce qu’on imaginerait aujourd’hui, et que cette diversité vocale reste encore tout à fait valable de nos jours, pour un peu que l’on bouscule nos oreilles pour mieux redécouvrir ces classiques du répertoire mozartien.
Le disque s’ouvre donc sur un air de Dorabella de Cosi Fan Tutte, mettant plus l’accent sur la caractérisation que sur des prouesses vocales. La voix de Marina Viotti, quoi qu’il en soit, s’approprie parfaitement la tessiture requise par l’aria.
On regrettera un peu les césures entre récitatif et arias, et particulièrement sur le « Ch’io mi scordi di te », tant les deux sonnent de manière indissociable. Mais il en va ainsi des préoccupations des plateformes de musique en ligne et des playlists inévitables, voulant se débarrasser d’introductions trop longues. Le point étant fait, il faut relever la légèreté de la voix dialoguant avec le piano, la rondeur et le soin apporté à la prononciation du texte. La voix descend avec délice dans les graves pour mieux remonter, sans crainte du rythme ou des piques imposées par la partition.
Les graves propres aux mezzo sont magnifiquement rendus dans l’air énergique de Mitridate, « Venga pur…. » tandis que les deux extraits du moins connu Ascanio viennent prolonger le tourment de ce milieu d’album avec un récitatif incarné avec soin, avant d’entamer le Exsultate Jubilate. C’est précisément là où on prend conscience de la limite de l’exercice proposé par ce récital. Car si Marina Viotti rend sans faillir les notes les plus aiguës, sans stridence ni hésitation, on sent néanmoins que le registre plus haut, requis dès le départ, hausse la difficulté pour une voix de mezzo. Néanmoins le pari est tenu, et le rendu impeccable.
Les aigus d’ailleurs ne sont toutefois pas en reste, notamment avec l’air de Susanna où, plutôt que de mettre en péril la chanteuse, ces notes viennent au contraire la sublimer et valoriser une voix ronde et fruitée, les « …vieni » se prolongeant et s’envolant avec une touche de romantisme, témoignage de la belle maîtrise technique d’école belcantiste à laquelle la chanteuse est formée. La Susanna de Viotti se veut piquante et l’on a vraiment l’impression d’entendre une sérénade, telle que le demande l’histoire des Noces de Figaro.
Toujours extrait des Noces, un « Voi che sapete », au registre idéal pour la chanteuse qui rompt la douceur de cet air avec un « Va’ pure ad altri » révolté, issu de La fienta giardiniera.
L’air de Sesto où la chanteuse dialogue avec la clarinette constitue un excellent écho au « Ch’io mi scordi di te » du début de l’album, et constitue un des highlights du récital. Marina Viotti s’y montre royale, préservant le douceur du timbre parmi les dangereuses vocalises. Le « Laudamus te » forme une belle conclusion, d’où ressort un impressionnant contrôle du souffle.
Gli Angeli Genève, sous la direction vive et énergique de Stephen MacLeod, offre l’écrin parfait à Marina Viotti pour briller dans des registres vocaux, qui a priori différents, prennent vie ici de manière très cohérente avec une seule interprète, qui confirme ainsi un beau talent de mozartienne, et la grande versatilité qu’on lui connaissait déjà également. Saluons au passage la belle prise de son, qui restera de mise pendant toute la durée de l’enregistrement – donnée souvent oubliée mais qui peut ruiner le plus réussi des récitals. Ici l’équilibre reste toujours au même niveau, et la distance entre l’auditeur et l’ensemble est idéale.
On peut difficilement s’empêcher de penser à certaines consœurs de Marina Viotti, comme Kiri Te Kanawa, grande mozartienne en son temps, qui savait parfaitement faire usage d’une voix tirant le meilleur des aigus du registre mezzo, ou des graves du registre soprano, pour mieux rester dans un perpétuel entre deux, conservant ainsi une voix aux teintes riches et soyeuses.
La voix, ici, reste au service de la musique, dans l’idée de rendre au mieux la poésie et la beauté des airs choisis. Certains ajouteront que c’est au détriment d’une vraie mise en avant de technique vocale ou d’envolées, mais la simplicité et cette absence du besoin d’éblouir de la part de l’interprète et de l’orchestre, viennent en toute humilité rendre honneur au compositeur. Espérons qu’il y en aura encore beaucoup d’autres récitals de cette qualité.