Parmi les redécouvertes du monde musical figure en bonne place le chevalier de Saint-Georges (1745-1799), fils d’un aristocrate et d’une esclave de la Guadeloupe, qui bénéficia d’une excellente formation musicale auprès de Jean-Marie Leclair et de Gossec, fut un brillant chef d’orchestre et un compositeur suffisamment réputé pour que Marie-Antoinette envisage de lui confier la direction de l’Académie royale de musique, mais le projet échoua car peu de chanteurs d’opéra supportaient alors l’idée d’être dirigés par un « mulâtre ». Dès le XIXe siècle, il devint un personnage de roman, et une légende se créa peu à peu autour de ce « Don Juan noir », ou plutôt « Mozart noir ». Mais il aura fallu attendre les années 1970 pour que le parcours de Saint-Georges soit examiné avec plus de sérieux. Le DVD aujourd’hui publié chez Bel Air Classiques donne largement la parole à l’un de ses biographes, Alain Guédé, journaliste au Canard enchaîné. Au récit de la vie du compositeur s’entrelacent les interventions du chef d’orchestre Julien Chauvin, grand connaisseur de la musique française de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, et que l’on entend ici à la tête du Quatuor Cambini-Paris dans des œuvres de Saint-Georges, ainsi que celles de Louis de Carbonnières, professeur de droit à l’Université de Lille.
Et puis il y a Magali Léger, qui explique qu’elle chante du Saint-Georges depuis dix ans, notamment à la demande des États-Unis, où le « Mozart noir » est beaucoup joué, on le comprend aisément. Hélas, la soprano elle aussi originaire de la Guadeloupe n’est plus tout à fait celle qui, en 2004, était Blonde dans L’Enlèvement au sérail au festival d’Aix-en-Provence : il y a vingt ans, mozartienne encore, elle aurait sans doute pu servir à merveille les compositions de Saint-Georges. Aujourd’hui, alors que la chanteuse se consacre désormais surtout à la musique contemporaine, la voix s’est beaucoup amincie dans l’aigu, et la virtuosité n’est plus tout à fait au rendez-vous. C’est dommage, car sans être marqués du sceau du génie, les opéras-comiques de Saint-Georges (L’Ernestine sur un livret signé Choderlos de Laclos, 1777, ou L’Amant anonyme, d’après une pièce de Madame de Genlis, 1780) mériteraient d’être mieux connus. Puisse ce DVD y contribuer néanmoins…
Magali Léger, soprano
Quatuor Cambini-Paris, dir. Julien Chavin
Martin Mirabel : réalisation
Extraits d’œuvres du Chevalier de Saint-Georges
1 DVD BelAir (février 2022)