Zarzuela, sarsuela, sarsuwela…
En 2019, les éditions Bleu Nuit publiaient un volume intitulé La Zarzuela baroque, dû à notre confrère Pierre-René Serna. Trois ans après, la suite logique de ce volume nous parvient, avec La Zarzuela romantique, du même auteur. Pas de troisième volume à attendre, cependant, car le mot « romantique » désigne ici les XIXe et XXe siècles, époque où les catégories deviennent enfin un peu plus claires. En effet, le premier volume avait laissé apparaître une grande porosité des frontières entre zarzuela et opéra espagnol. Après une première décadence à la fin du XVIIIe siècle, quand le genre renaît dans les années 1830, la ligne de démarcation semble désormais un peu plus nette. La zarzuela romantique, dont les derniers très grands succès datent de l’entre-deux-guerres, mettra plusieurs décennies à rendre l’âme, un ultime exemple étant créé en 1981, Fuenteovejuna de Manuel Moreno-Buendía, d’après la pièce de Lope de Vega. Cependant, le volume se conclut sur l’annonce de la création en 2023 de Policías y ladrones, commande passée par le Teatro de la Zarzuela à Tomás Marco, disciple de Ligeti et de Maderna…
Entre ces bornes temporelles, Pierre-René Serna propose un parcours chronologique d’un genre que la France commence tout juste à connaître un peu moins mal, grâce à quelques représentations données ici et là – en région bien plus que dans la capitale, il faut le dire. À partir du troisième chapitre, consacré à la deuxième moitié du XIXe siècle, se met en place la formule qui caractérise l’ensemble du volume : une série de profils biographiques de compositeurs, assortis de l’analyse plus détaillée d’une œuvre, pas forcément la plus célèbre. On va ainsi de Barbieri avec Pan y toros (1864) à Sorozábal avec La eterna canción (1945), en passant par Bretón et La verbena de la Paloma (1894). Des exemples musicaux sont également proposés pour d’autres œuvres plus rapidement traitées. Une discographie – copieuse, bien que sélective – permettra au lecteur de découvrir dans leur intégralité des œuvres dont il ne connaît que tel ou tel extrait interprété par de grands chanteurs espagnols qui ont eu à cœur de défendre ce genre. Les très curieux pourront également s’intéresser aux zarzuelas nées hors de Madrid, qu’il s’agisse la « sarsuela » de Barceone, en catalan, ou de la sarsuwela apparue aux Philippines. Ce précieux guide pourra donc accompagner le mélomane dans un hypothétique avenir où des zarzuelas seraient remises à l’affiche en terres francophones…
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Pierre-René Serna, La Zarzuela romantique. Editions Bleu Nuit, février 2022, 176 pages, illustrations en noir et blanc. ISBN 978-2-25884-107-8