C’est un album qui, prenant appui sur des faits, des éléments, des personnages réels (la relation forte qui unit Callas à Pasolini à la fin des années 60 ; la promotion de leur film Médée qu’ils assurèrent après la sortie de celui-ci ; la fascination de Pasolini pour le football ; les liens qui l’unissent à Ninetto Davoli ; la correspondance de Callas avec Pasolini ou Richard Burton,…), développe une intrigue de fiction : alors que la voix et la carrière de Callas déclinent, la cantatrice trouve refuge dans une vie mondaine qui, en dépit de belles rencontres (Richard Burton, Elizabeth Taylor), ne parvient pas à l’étourdir. Elle noie alors sa solitude dans de mélancoliques promenades nocturnes dans les rues de la capitale italienne avec Pasolini, nourrissant pour lui un amour platonique que leur collaboration artistique à l’occasion du tournage de Médée ne fera que renforcer.
La tournée promotionnelle de leur film les conduira au Brésil, où, libérés des attaches et des relations fallacieusement amicales qu’ils entretiennent en Europe, ils vivront une parenthèse apaisante, faite de discussions sur l’art, l’amour, mais aussi de rencontres et d’événements inattendus (Callas chantant une des chansons les plus populaires du XXe siècle, « La Fille d’Ipanema », dans les favelas de Rio !) ou provoquées (la rencontre de Pasolini avec les « mauvais garçons » des favelas, et notamment « O veneno », dont la fascinante beauté le subjugue)… Avant que leur destin tragique ne les rattrape : l’album s’achève sur l’interview, par un journaliste français, d’une Callas solitaire, nostalgique, désabusée, dans son appartement parisien de l’avenue Mandel, après que le poète italien eut été assassiné une nuit de novembre 1975 sur une plage d’Ostie…
La narration, organisée autour de « chapitres » dont les titres évoquent les paroles de grands rôles callassiens (« È strano », « Casta diva », « Timor di me »,…) est touchante, crédible, portée par un texte sensible (signé Jean Dufaux) et des illustrations (Sara Briotti, couleurs d’Alice Scimia) qui évoquent avec la même poésie nostalgique la Rome ou le Rio du tournant des années 60. Une des fort belles surprises de cette année callassienne !