Les 40 ans de l’Opéra Orchestre national de Montpellier : soutenir la création lyrique
Publication originelle : 18 janvier 2020
Fêter les 40 ans de création de l’Opéra Orchestre national de Montpellier Occitanie, est l’occasion de parcourir les riches heures d’une scène qui, en région, vit intensément les processus de décentralisation culturelle.
Créé en octobre 1979 sous l’impulsion du maire Georges Frêche, l’orchestre de Montpellier (régime municipal) couvre le répertoire symphonique et lyrique dans la préfecture de l’Hérault. Lorsque la cité accède au statut de métropole régionale, l’orchestre devient régional (1986). En 1990, sous la direction de René Koering, également directeur du festival Radio-France Montpellier, l’Orchestre philharmonique de Montpellier Languedoc-Roussillon (régiment d’Association) élargit sa formation à 90 musiciens et place la création au cœur de ses saisons symphoniques et lyriques, sous les baguettes successives de chefs européens (Gianfranco Masini, Friedemann Layer, Lawrence Foster). Pour souffler les 20 bougies, le label « national » décerné par le ministère de la Culture (1999) consacre la qualité et la diversification de ses actions, avant que sa fusion avec l’Opéra génère l’appellation d’Opéra Orchestre national de Montpellier (OONM). Aux 40 ans de l’OONM, sous la direction de Valérie Chevalier et celle musicale de Michael Schonwandt , la structure affiche son dynamisme inaltérable grâce aux subventions (ville, région, état), tant dans sa ville siège équipée de deux salles, – l’Opéra-Comédie et l’Opéra Berlioz depuis 1990 – qu’en région Occitanie. L’anniversaire est d’ailleurs l’occasion de déployer un mois de festivités autour du concert de gala, suivi du « Bal à l’opéra ». Quant à l’échelle internationale, elle est notamment atteinte par le biais des retransmissions européennes du Festival Radio-France Occitanie. En effet, l’Orchestre national de Montpellier y explore les opéras à exhumer depuis les 35 éditions de son existence, de Ivan IV de G. Bizet (Festival 1990) à Fervaal de V. d’Indy (Festival 2019), en passant par L’Ombre de l’âne, excentricité de R. Strauss, ici représentée en première scénique. Cet effort est à considérer pour la force de renouvellement du répertoire lyrique, un défi de notre siècle.
Concernant la programmation d’opéra, le répertoire demeure comme partout majoritaire au cours des saisons montpelliéraines, tandis que l’opéra baroque fait une percée annuelle avec les formations européennes en résidence (dernièrement : Orfeo 55 et Nathalie Stutzmann). Toutefois, sur l’échiquier des villes françaises assumant la création lyrique (hors de Paris), Montpellier est quasi pionnière, engagée dans cette voie depuis 1988 jusqu’à nos jours. Celle-ci est en outre confortée par les reprises de récentes créations qui jalonnent les années 2000 : Perelà, l’homme de fumée de P. Dusapin (2003) juste après l’Opéra national de Paris (OnP), Adama de l’israélienne C. Czernowin (2007), l’emblématique Einstein on the Beach de P. Glass et R. Wilson (2012). Plus récemment, L’Hirondelle inattendue de Simon Laks est une reprise (2015) depuis l’Opéra de Varsovie ou encore L’Ombre de Venceslao de Martin Matalon (2018), depuis l’OnP.
Tenter un aperçu panoramique des créations lyriques à Montpellier représente bien évidemment un défi. Nous lançons le pari pour les esprits curieux de Première-Loge : celui de rendre compte du NEUF … en 9 clés !
1. Combien de créations lyriques ou de théâtre musical ?
Pas moins de quinze créations sont produites par l’Opéra de Montpellier de 1988 à 2019, dont douze d’entre elles sont apparentées au genre opéra. Le pic de densité se situe durant la période 2003 à 2010, après l’année faste de 1996 (2 créations). Leur réalisation s’accomplit soit en production propre, soit en coproduction avec d’autres maisons d’opéra ou théâtres, voire avec des festivals (Musica à Strasbourg, Festival de Radio-France et Montpellier).
. 1988 : Noces de sang de Charles Chaynes, livret d’après la traduction de Bodas de sangre de Federico Garcia Lorca
. 1989 : Roméo et Juliette de Pascal Dusapin, livret d’Olivier Cadiot (lors du bicentenaire de la Révolution française)
. 1990 : Republica ! Republica ! de Vladimir Kojoukharov, livret du compositeur
. 1992-1993 : Le Château des Carpathes de Philippe Hersant, livret de Jorge Silva-Melo d’après Jules Verne (1992 au Festival Radio-France Montpellier, création scénique le 27.10. 1993)
. 1994 : Marie de Montpellier de René Koering, livret du compositeur
. 1996 : Goya de Jean Prodromidès, livret Jean Cosmos et Jean Prodromidès
. 1996 : Go-gol de Michaël Lévinas, livret de Frédéric Tristan d’après Le manteau de Nicolas Gogol (créé par l’Orchestre de Montpellier au festival Musica de Strasbourg).
. 2003 : ! Libertad ! de Didier Lockwood, livret d’Alonso Alegria (opéra pour chœur d’enfants et adolescents)
. 2007 : Rimbaud, la parole libérée de M.-Antonio Pérez-Ramirez, livret de Christophe Donner
. 2008 : Scènes de chasse de René Koering d’après Penthesilea d’Heinrich von Kleist
. 2009 : Affaire étrangère de Valentin Villenave, livret de Lewis Trondheim d’après la BD Politique étrangère de Trondheim et Jochen Gerner (2001)
. 2010 : Galax de Philippe Schoeller, livret de Mickaël Glück (spectacle pour chœur d’enfants)
. 2012 : Jetzt de Mathis Nitschke, livret de Jonas Lüscher
. 2016 : Soupe populaire de Reinhardt Wagner & The Tiger Lillies, conception de Marie-Eve Signeyrole
. 2019 : Poil de carotte de Reinhardt Wagner, d’après Jules Renard, textes des chansons de Franck Thomas
Bien après l’émergence du théâtre musical (au festival d’Avignon après 68), le genre s’invite sur la scène montpelliéraine : la Soupe populaire mêle intervenants et publics sur le plateau, partageant un verre ou un bol.
2. Quels compositeurs sont impliqués ?
Sous la longue direction de René Koering, intendant de l’Orchestre de 1990 à 2010, et celle d’Henri Maier à l’Opéra de Montpellier, la génération des compositeurs nés dans les années 1940 est à l’honneur, tels Gérard Calvi (La cantatrice chauve), Philippe Hersant (Le Château des Carpathes), Charles Chaynes (Noces de sang), tandis que l’intendant signe deux partitions (Marie de Montpellier, Scènes de chasse).
La génération suivante, celle de Michaël Lévinas, Pascal Dusapin, Didier Lockwood et Reinhardt Wagner, est tout aussi représentée par quatre titres, sans omettre les deux ballets commandés par la Compagnie Bagouet au jeune compositeur Dusapin (Haro et Assai, 1986). Au tournant de 2000, c’est autour de Philippe Schoeller et Marco-Antonio Perez-Ramirez, artistes en résidence, de prendre le relais des créations lyriques. Enfin Mathis Nitschke (1973- ) et Valentin Villenave (1984- ) démarrent une jeune carrière lyrique à compter de 2004. Si la préséance française représente peu la création internationale, elle ménage néanmoins une place à Perez-Ramirez, franco-chilien, et à l’allemand Nitschke.
Leur point commun semble être la maîtrise d’un langage singulier au service d’un processus interactif avec leurs collaborateurs (texte ou scénographie). En revanche, le pluralisme des langages musicaux s’exprime pleinement et produit des équilibres diversifiés entre les composantes du spectacle. D’aucuns tendent vers l’équilibre entre vocalité et symphonique, s’inscrivant ainsi dans la filiation opératique, tels C. Chaynes, P. Hersant, R. Koering. D’autres recherchent le contraste entre masse et soli, chant a cappella et ensemble instrumental tout en demeurant dans l’héritage, tel J. Prodromidès. L’aventure sonore tentée par M. Levinas, celle de « fontaines tournantes », invite les auditeurs-spectateurs à percevoir les mouvements giratoires de sons dans la salle, sans se focaliser sur le geste vocal. Autre conception contemporaine, la distorsion vocale est travaillée par l’amplification électronique (M. Nitschke). Quand certains, familiers de musiques de film ou de scène, opèrent par micro-climats pour capter chaque instantané de l’intrigue – R. Wagner, P. Schoeller -, d’autres cultivent l’autonomie des idiomes musicaux, textuels et gestuels, tels P. Dusapin ou Perez-Ramirez. Enfin, la diversité culturelle imprègne particulièrement deux opéras : la création latino-jazz de D. Lockwood d’une part (! Libertad !). D’autre part, l’univers du théâtre de marionnettes musicalisé par V. Stephan pour la pièce de Cocteau, L’épouse injustement soupçonnée, est inspiré d’une légende vietnamienne. Quoiqu’il en soit de leur esthétique propre, cette refondation permanente du genre lyrique ne tourne pas le dos aux prérequis de l’écriture théâtrale. Et la venue des créateurs contribue toujours à l’élaboration du spectacle montpelliérain : les échanges profitent tant aux interprètes et musiciens (qui contribuent de concert aux ajustements éventuels) qu’aux publics !
3 . Combien de compositrices et d’auteures impliquées ?
Une seule compositrice – Valérie Stephan – figure dans le top 15, et ce … en commande d’un opéra de poche. Toutefois, la récente résidence de la compositrice israélo-polonaise Sivan Eldar (1985- ) pourrait amorcer une évolution à l’OONM : les auditeurs ont déjà pu découvrir You’ll drown, dear, son solo pour mezzo-soprano (novembre 2019).
Encore peut-on signaler que Montpellier a repris de récentes créations signées de compositrices. Il s’agit de L’Africaine de Graciane Finzi et Emmanuelle Marie en 2006 (créé à l’Opéra de Lille, 2003), puis d’Adama de l’israélienne Chaya Czernowin (2007), création glissée dans les interstices de Zaïde de W. A. Mozart, depuis la coproduction du festival de Salzbourg (2006).
En outre, la visibilité des femmes s’accroît lors des dernières créations montpelliéraines conçues par deux dramaturges inventives. Dans La Soupe populaire, Marie-Eve Signeyrole invite le public à partager le plateau scénique pour l’écoute de témoignages recueillis dans les lieux mêmes de l’aide sociale. Quant au montage du spectacle Poil de carotte, il est assuré par la cinéaste et comédienne Zabou Breitman d’après des saynètes sélectionnés dans la nouvelle homonyme de Jules Renard.
4. Y-a-t-il des adaptations de pièces ou de sources du patrimoine culturel ?
Évoquer les sources du livret d’opéra est l’occasion de consolider les liens séculaires entre les cultures littéraire, théâtrale, historique et l’art lyrique. Depuis l’invention de l’opéra dans les cours renaissantes italiennes, ces liens sont mobilisés selon les sensibilités et les préoccupations sociales de chaque époque.
La proximité avec littérature et poésie est, sans surprise, au cœur de ces échanges. Du roman de Jules Verne, Le Château des Carpathes (1892), magnifiant les inventions d’Edison et préfigurant la captation vidéo, vers l’opéra éponyme de P. Hersant, le lien va de soi tout en projetant les fantasmes du lyricomane sur la voix féminine .
Moins évidentes, l’adaptation du Manteau, conte du nouvelliste russe, en Go-gol, ou encore celle de Penthesilae d’H. von Kleist vers Scènes de chasse de R. Koering, immergent le spectateur dans les hallucinations romantiques avec un langage musical du présent. Tandis que Les Noces de sang de C. Chaynes sont imprégnés de la violence poétique de F. Garcia Lorca, le non-sens burlesque de La Cantatrice chauve [1] est abordé avec un humour distancié par G. Calvi :
https://www.youtube.com/watch?v=y9Cpg9H_QEM
Différemment, certaines œuvres sont engagées dans un processus actif depuis G. Ligeti, soit l’alchimie du sens et du son, un élément constitutif de la postmodernité. La poly-textualité (langues anglaises et françaises) habite le Roméo et Juliette de P. Dusapin et O. Cadiot, libérant les clichés sur les amants de Vérone au profit d’une liberté éprouvée. Autre alchimie prenant sa source dans la poésie, Rimbaud ou la parole libérée croise les médias chorégraphie, musique, texte et vidéos, afin de se concentrer sur « la parole libérée plutôt que sur les relations biographiques de Rimbaud et de Verlaine.
La thématique devient philosophique avec Jetzt dont l’ambition est « de représenter l’histoire de l’humanité de façon exemplaire » (programme de salle) au gré de sept épisodes depuis le temps d’Homère.
Lorsque l’allusion historique s’immisce dans la trame, elle emprunte des itinéraires recomposés, puisque le cinéma et les séries télévisuelles ont pris le relais de l’opéra historique tel que le XIXe siècle le concevait. Ainsi l’opéra Goya (lors du 250 anniversaire de la naissance du peintre) paraît plus impacté par les hallucinations des Peintures noires que par la biographie du peintre espagnol, cependant abordée avec la présence du tyran Ferdinand VII. La subversion s’invite ouvertement dans Marie de Montpellier, au point de prendre le prétexte d’une personnalité pionnière (en 1204, l’héroïne prit les rênes de la ville-seigneurie) pour mettre en abime les coulisses actuelles du monde lyrique.
Autre subversion, l’Histoire s’inscrit in absentia de l’intrigue du Roméo et Juliette de Cadiot et Dusapin, puisque l’évocation de la Révolution de 1789 (bicentenaire commémoré l’année de création de l’opéra) se traduit dans la pièce orchestrale, symboliquement située au centre de l’opéra.
Enfin, l’univers de la BD contamine Affaire étrangère. Le texte est alors adapté par un des coscénaristes de la matrice (Politique étrangère), Lewis Trondheim, pour observer le monde politique sous l’angle de l’autodérision.
5. La nouvelle génération de metteurs en scène est-elle conviée ?
Assurément, lorsque Michaël Lonsdale met en scène Noces de sang. Daniel Mesguich suggère la dimension onirique échappée du quotidien d’un petit fonctionnaire russe dans Go-gol : on se souvient de la vision du lever de rideau (l’anti-héros Akaki, suspendu aux cintres tel un pantin) qui renvoie à celle conclusive, soit les manteaux volés en ascension. Quand Gérard Lavaudant campe l’univers expressionniste de Scènes de chasse, chaque comédien/comédienne et son double chanteur/chanteuse s’entremêlent sur le plateau tels des somnambules.
Selon la dramaturgie, l’opéra peut être mis en scène par la chorégraphe et danseuse Laurence Saboye, en charge de Rimbaud, la parole libérée. Différemment, le scénographe Urs Schönebaum, signant habituellement les « lumières », conçoit les tableaux sculptés par les ombres de Jetzt, ou encore l’univers déjanté de Happy, happy. Zabou Breitman tire parti, elle, de son savoir-faire de cinéaste pour réaliser le montage des saynètes de Jules Renard et des chansons de Reinhardt Wagner dans Poil de Carotte, en complicité du décorateur Dick Bird.
6. Les technologies du son ou d’autres formations que l’orchestre, impactent-elles la création ?
Pianiste concertiste, ultérieurement formé à l’IRCAM, M. Lévinas utilise six claviers électroniques/MIDI au sein de l’orchestre acoustique en fosse pour Go-gol. Ce dispositif, préalablement réalisé à l’IRCAM, intervient en temps réel dans le déroulement du spectacle. En épilogue de son opéra, le compositeur ose les timbres traditionnels des kazous (mirlitons) et appeaux, embouchés par les protagonistes sur le plateau.
M. Nitschke allie également les sons de l’orchestre à trois instruments électroniques improvisateurs (bandonéon, violoncelle, contrebasse) pour Jetzt. Et plus tard, à un dispositif électroacoustique pour Happy, happy.
Les musiques actuelles ne sont évidemment pas absentes : les guitares électriques rock de Republica ! cèdent la place au groupe rock britannique, The Tiger Lillies, pour La Soupe populaire. Entretemps, ! Libertad ! de D. Lockwood héberge une formation big band aux couleurs latinos.
7. Quelles créations ont fait l’objet d’un enregistrement commercialisé ?
Hélas, peu d’entre elles ont intéressé les labels de disque. Dans l’état de nos recherches, seules cinq créations laissent une trace pérenne : Noces de sang (Cybelia, Harmonie distribution), Le Château des Carpathes (Adès Accord), Roméo et Juliette (Musidisc ), Goya (MFA Radio-France), Scènes de chasse (Universal Music France), Republica! Republica ! (Salabert/ Harmonia Mundi).
En sus de ces enregistrements, les reprises ou coproductions de certaines créations sur d’autres scènes sont garantes d’une réelle diffusion. Celles-ci sont (trop) souvent hexagonales – Go-gol au festival Musica de Strasbourg/Mulhouse en 1996, Roméo et Juliette à l’Opéra-Comique en 2008, L’épouse injustement soupçonnée au Théâtre des Abesses (1996). A notre connaissance, seul ! Libertad ! est exporté au Teatro de Lima (Pérou).
Enfin, certaines font l’objet d’une captation en direct, mise en ligne. C’est le cas de Go-gol, et d’Affaire étrangère :
https://www.youtube.com/watch?v=rfzlofp4nEQ
8. Les interprètes sont-ils spécialistes du répertoire dit contemporain ?
Tandis que trois chefs d’orchestre, David Robertson (Château des Carpathes), Pascal Rophé (Go–gol), Alain Altinoglu (Scènes de chasse) tirent bénéfice de leur répertoire contemporain, les chanteurs proviennent plutôt de la scène lyrique « tout répertoire ».
Toutefois, les sopranos Françoise Kubler (rôle de Juliette dans l’opéra de Dusapin), Sylvie Valayre, Isabel Garcisanz (Chateau des Carpathes) sont expertes dans le domaine de la création. Au sein des voix solistes masculines, la typologie de ténor (rôle de Franz du Chateau des Carpathes, interprété par Christer Bladin ), de baryton (rôle-titre de Goya, interprété par René Massis), haute-contre Alain Zaepfel (rôle d’Akaki) irrigue la partition de Go-gol. Ces typologies cèdent du terrain vers plus de diversité, y compris de genre. Pour exemple, le contre-ténor Robert Expert incarne la Mamma dans Marie de Montpellier ou bien deux chanteuses – Marie-Annick Belliveau (Rimbaud), Chantal Perraud (Verlaine) – incarnent les poètes de Rimbaud, la parole libérée.
Quant à l’univers hybride du conte Poil de Carotte, il requiert des comédiens-chanteurs accomplis, telle la mère Lepic (Sylvia Bergé, sociétaire de la Comédie-Française), aptes à jongler avec le style de cabaret ou celui lyrique, selon les saynètes. Cependant, la palme de l’originalité ne revient-elle pas au rôle de Bill (alias William Shakespeare) dans Roméo et Juliette ? Ce comédien et meneur de jeu (rôle parlé) possède un timbre identitaire … celui de la clarinette de l’orchestre !
9 – Quelle place occupe le chœur d’enfants/adolescents Opéra Junior dans la création ?
Fondé en 1989 par le compositeur Vladimir Kojoukharov, ce Chœur est aussitôt mobilisé par son chef pour la création d’un opéra pour adolescents, Republica ! Republica ! (1990). Outre sa participation aux saisons montpelliéraines, Opéra Junior est sollicité lors de créations emblématiques des dernières décennies. L’opéra latino-jazz ! Libertad ! (2004) de D. Lockwwod est le fruit d’un partenariat entre Montpellier et les Jeunes de Lima (Pérou). Quant au conte Poil de Carotte (2019), il associe les rôles adultes des comédiens-chanteurs au chœur d’enfants, pivot du conte et contrepoids juvénile à la cruauté narrative. Il est intéressant de relever les questionnements sociétaux de ces trois créations. Sont en effet respectivement abordés les revendications sociales des rockers adolescents, l’abolition de l’esclavage au Pérou, la maltraitance infantile en milieu familial.
Par ailleurs, l’action culturelle en faveur des jeunes publics est à l’initiative de la création de Galax de P. Schoeller (en résidence) et M. Gluck (2010). Une centaine d’enfants d’écoles héraultaises se hisse sur le plateau de l’Opéra Berlioz pour une fête de la musique résolument participative.
Chaque création transmet donc le goût de l’audace, du partage socioculturel, démontrant en cela la vitalité du genre lyrique qui n’est plus l’apanage des capitales ni même de classes sociales privilégiées. Voir l’exemple pionnier de la Finlande pour cette orientation. Plus qu’un foisonnement de genres et de styles, les 15 créations montpelliéraines offrent aux publics un jeu de miroirs dont les reflets explorent tantôt l’altérité, tantôt l’onirisme, sans éluder les questionnements sociétaux. Grâce au talent de tous, les spectateurs pénètrent dans ce jeu. A Montpellier et ailleurs, formulons le vœu que l’opéra contemporain demeure au cœur d’ambitions partagées !
Copyright des photos de spectacles : Opéra orchestre national Montpellier Occitanie
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[1] A ne pas confondre avec l’opéra de Jean-Philippe Calvin sur la même pièce de Ionesco (créé en 2006, Covent Garden).