Pénibilité au travail, emploi des seniors, âge du départ en retraite : nous avons demandé l’avis de Gérard (Giordano, André Chénier) qui, pour nous répondre, a pris l’exemple de son vieux père jardinier, au service de ses maîtres depuis sa naissance, soit soixante ans.
GÉRARD (al sofà)
Compiacente a’ colloqui
Del cicisbeo che a dame
Maturate porgeva qui la mano!
Qui il Tacco rosso
Al Neo sospirando dicea :
Oritia, o Clori, o Nice
Incipriate, vecchiette
E imbellettate
lo vi bramo,
Ed anzi sol per questo,
Forse, io v’amo !
Tal dei tempi è il costume!
(Dal giardino si avanza, trascinandosi penosamente, un vecchio giardiniere curvo sotto il peso di un mobile. È il padre di Gérard. Questi gitta lo spolveraccio che tiene in mano e corre a porgere aiuto al padre, che tutto tremulo si allontana pei contorti sentieri del giardino. Commosso, Gérard guarda allontanarsi il padre.)
GÉRARD (au sofa)
Tu t’es complu aux discours
Du chevalier servant qui, aux dames mûres,
Offrit ici sa main !
Ici, le « Talon rouge »
Disait en soupirant :
Eurydice ou Chloris, Ou Bérénice,
Vous toutes, petites vieilles
Poudrées et fardées que vous êtes,
Je vous désire ardemment
Et pour cette seule raison
Peut-être, je vous aime !
Tels sont les temps et les mœurs !
(Venant du jardin, se traînant péniblement, un vieux jardinier s’avance, courbé sous le poids d’un meuble. C’est le père de Gérard. Jetant le plumeau qu’il tient à la main, ce dernier court l’aider. Tout tremblant, le vieillard s’éloigne par les sentiers sinueux du jardin sous le regard ému de son fils)
Son sessant’anni,
O vecchio, che tu servi!
A’tuoi protervi,
Arroganti signori
Hai prodigato fedeltà, sudori,
La forza dei tuoi nervi,
L’anima tua, la mente,
E, quasi non bastasse la tua vita
A renderne infinita eternamente
L’orrenda sofferenza,
Hai data l’esistenza
Dei figli tuoi.
Hai figliato dei servi!
(asciuga le lagrime poi torna a guardare fieramente intorno a se la gran serra)
T’odio, casa dorata!
L’immagin sei d’un mondo
Incipriato e vano!
Vaghi dami in seta
Ed in merletti,
Affrettate, accellerate
Le gavotte gioconde
E i minuetti!
Fissa è la votra sorte!
Razza leggiadra e rea,
Figlio di servi,
E servo,
Qui, giudice in livrea,
Ti grido:
E l’ora della morte!
Voilà soixante ans,
Vieil homme, que tu sers !
À tes maîtres hautains et arrogants,
Tu as prodigué ta loyauté,
Ta sueur, la force de tes muscles,
Ton âme, ta pensée ;
Et, comme si ta vie
N’était pas suffisante
Pour rendre interminable
L’horrible souffrance,
Tu as donné
Vie à des fils.
Tu as engendré des esclaves !
(Il essuie ses larmes puis regarde avec mépris la grande serre qui l’entoure)
Je te hais, maison dorée !
Tu es l’image d’un monde
Poudré et futile !
Beaux galants vêtus
De soie et de dentelles,
Dépêchez-vous, hâtez-vous de danser
Vos gavottes joyeuses,
Vos menuets !
Votre sort est scellé,
Race frivole et perfide !
Moi, fils d’esclave
Et esclave moi-même,
Ici, juge en livrée,
Je te crie :
C’est l’heure de la mort !