Centenaire LIGETI : l’imagination contre la barbarie

« Chaque fois que j’achève une composition, je révise mes propres positions, j’évite les clichés stylistiques, et je n’admets aucune voie qui serait la « seule et la vraie ». Je me considère comme ouvert aux influences de toute sorte, car je suis extrêmement curieux. L’art a pour matériau l’ensemble des cultures et le monde entier. » (Ligeti)

Commémorer le centenaire de György Ligeti (28 mai 1923- 12 juin 2006), c’est célébrer l’imagination contre la barbarie. Pour le grand public, il demeure le compositeur de la BO du film 2001 l’Odyssée de l’espace de S. Kubrick. De sa Transylvanie natale à Budapest, de Vienne à Stanford, son parcours artistique est jalonné d’innovations dont certaines révolutionnent la musique. Cette dynamique, toujours évolutive (voir citation), serait-elle une réponse face à la barbarie de deux figures monstrueuses qui ont marqué ses jeunes années de juif hongrois : Hitler et Staline ? Sa famille meurt dans les camps nazis ; après-guerre, le jeune compositeur subit la terreur stalinienne à Budapest avant de se réfugier à Vienne (1959). Dans les années 70, sa longue échappée en Californie lui permet de s’extraire de la tradition du Vieux continent. Il y approfondit la musique électronique (université de Stanford) qu’il a explorée au studio de Cologne en compagnie de Stockhausen. Revenu à Vienne, Ligeti sera désormais l’invité de festivals et de salles de concert internationaux, ménageant son activité de composition et celle d’enseignant à Hambourg,

Traumatisé par la barbarie, l’homme conserve toujours une valise prête dans son entrée en vue d’une rafle. Anti-totalitariste aussi dans son esthétique, l’artiste condamne toute posture dogmatique, y compris l’avant-garde de Boulez et Stockhausen (années 60) lorsqu’elle se raidit. On ne peut cantonner les innovations de Ligeti à sa filiation depuis Bartok, à la microphonie, tant orchestrale que vocale – Atmosphères, 1961 ; Lux aeterna, 1966. Ou encore à la captation d’une langue imaginaire dans les pièces de théâtre musical que le festival d’Avignon diffuse (Aventures, 1963 ; Nouvelles Aventures, 1967). Son opéra Le Grand macabre (1re version 1978, 2e version 1997 à Salzburg) témoigne d’un choc culturel et d’une imagination troublante dont l’insolence n’a pas pris une ride. A l’écoute de chaque pièce, l’auditeur et le spectateur perçoivent une expression viscéralement humaine, confrontée aux pires brutalités du monde. Expression sans doute rédemptrice par la seule puissance émotionnelle …

Première loge propose deux écoutes vocales contrastées, afin de valoriser la multiplicité des registres que Ligeti embrasse :

  • Lux aeterna pour 16 voix mixtes a cappella (1968) avec l’ensemble Aedes, dir. Mathieu Romano dans la basilique de Vézelay (2015) :

  • Nouvelles aventures (1965) pour 3 voix et ensemble instrumental, avec Sarah Sun (soprano), Truike van der Poel (mezzo), Guillermo Anzorena (baryton) et les solistes de la Philharmonie de Berlin, dir. Simon Rattle (2011) :

Pour aller plus loin …

Par ailleurs, en cette année du centenaire Ligeti, plusieurs opéras ou salles de concert proposeront une reprise d’un des chefs-d’œuvre du compositeur : Le Grand macabre (Vienne, Munich, Maison de Radio-France…). Consultez notre rubrique TOUS LES OPÉRAS DU MONDE (ou presque) en un clic !