UN GALA PUCCINI DU CENTENAIRE TRÈS MOUVEMENTÉ À LA SCALA !

La soirée de gala scaligère qui se jouait à guichet fermé, le 29 novembre, à l’occasion de l’anniversaire, le jour même, de la disparition de Giacomo Puccini, aura été largement empêchée par une grève surprise de l’orchestre et du chœur quelques minutes avant le lever de rideau… mais aura donné au directeur des lieux Dominique Meyer l’occasion d’une initiative dont on se souviendra dans les annales du théâtre pour sauver la soirée, et la mémoire du compositeur fêté !

C’est à vingt heures et quelques minutes, alors que la baguette du maestro Riccardo Chailly devait s’élever dans un théâtre Piermarini plein à craquer, que le surintendant général Dominique Meyer a dû se résigner à paraitre devant le rideau rouge mythique pour prendre la parole et expliquer au public – qui comptait nombre d’étrangers venus d’un peu partout dans le monde pour célébrer l’évènement – que le concert initialement prévu avec les forces scaligères au grand complet – chœur et orchestre – ne pourrait avoir lieu, compte tenu d’une grève dont, quelques minutes auparavant, personne a priori n’avait pu mesurer l’ampleur ni le suivi[i] ! On imagine la réaction du public et l’embarras du surintendant qui, pourtant, dans un italien parfait, prend alors ses responsabilités : « Si vous me laissez quelques instants, pendant que la Scala vous offrira un verre de Bellavista, nous allons vous proposer un autre concert ! Nous respectons le droit de grève mais nous avons pensé que cette autre forme du concert était indispensable par respect pour le public, venu ce soir en particulier de très loin, et également par respect pour Puccini ! ».

Brouhaha, applaudissements et puis, soudain, un cri : « Vergogna ! », parti de la salle sans que l’on sache bien à qui cette « Honte ! » s’adressait… avant qu’une partie des spectateurs ne s’achemine vers le Foyer et les coupettes de spumante offertes par le théâtre.

Ainsi soit-il. Quelques instants après, c’est devant un public survolté pour lequel le sens de la soirée ne changeait finalement guère – on était venu après tout pour célébrer Puccini… ! – que font leur apparition sur la scène les chanteurs initialement prévus, Anna Netrebko, Mariangela Sicilia et Jonas Kaufmann mais aussi Luciano Ganci – qui sera l’un des Alvaro dans quelques semaines dans La Forza del destino d’ouverture de la Scala – accompagnés au piano par le chef de chant répétiteur du théâtre James Vaughan.

Composé, pour partie, d’airs et duos incontournables extraits de Manon Lescaut, La bohème, Madama Butterfly, Tosca, La fanciulla del West, Gianni Schicchi, Turandot mais aussi, bienheureusement, de pages plus rares extraites de Le Villi, Edgar et La rondine, la soirée aura, pour beaucoup, permis d’entendre des voix glorieuses et consacrées au détriment de ce qui, pour partie, constitue l’une des caractéristiques propres au génie puccinien : la force de l’orchestre !

Pauvre cher Giacomo… qui, depuis la mauvaise surprise que lui avait réservée le public milanais le soir de la Première de Madama Butterfly, avait toujours gardé la dent dure contre la Scala

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[i] Il s’agissait d’une grève nationale pour le pouvoir d’achat et contre le « budget de rigueur » mis en place par le gouvernement de Giorgia Meloni. Quelques jours plus tôt (le 20 novembre), c’est la première de l’Otello qui devait ouvrir la saison de la Fenice qui avait dû être elee aussi annulée en raison d’une grève.