LE COMPOSITEUR
Statue de Giacomo Puccini à Lucques
© Première Loge / Stéphane Lelièvre
Giacomo Puccini (1858-1924)
Giacomo Puccini naît à Lucques dans une famille de musiciens en 1858. Élève de Ponchielli, il connaît son premier grand succès avec Manon Lescaut (1893), et se consacre dès lors presque exclusivement à l’opéra. Après Manon Lescaut, il compose La bohème (1896), Tosca (1900) et Madama Butterfly (1904) qui remportent un immense succès et jouissent toujours aujourd’hui d’une très grande popularité. Outre ces ouvrages, il fait aussi représenter La fanciulla del West (1910), et Il trittico (1918). Atteint d’un cancer de la gorge, il s’éteint à Bruxelles en 1924 avant d’avoir pu achever son ultime chef-d’œuvre : Turandot, créé de façon posthume en 1926.
Malgré d’évidentes affinités avec d’autres compositeurs italiens du tournant du siècle, les musicologues refusent le plus souvent de le considérer comme appartenant au mouvement dit vériste, en raison des thèmes de ses livrets mais aussi d’une esthétique musicale très personnelle. Si l’on reproche parfois au musicien une supposée facilité, on oublie souvent qu’il suscita l’admiration de musicologues, musiciens ou compositeurs aussi aguerris et talentueux qu’Arnold Schoenberg (qui le considérait comme le plus grand harmoniste de son temps) ou René Leibowitz.
LA CRÉATION ET LA FORTUNE DE L'ŒUVRE
Tout semblait destiner Giacomo Puccini à la composition d’œuvres sacrées. La tradition familiale tout d’abord : le père de Giacomo, Michele Puccini, composait lui-même de la musique sacrée, et était organiste et maître de chœur à la cathédrale Saint-Martin de Lucques. À dix ans, le petit Giacomo chante comme soprano à la tribune de San Martino, et à l’Istituto Musicale Pacini où il se forme, c’est essentiellement la musique sacrée qu’on lui enseigne.
Duomo di Lucca ou Cattedrale di San Martino
© Première Loge / Stéphane Lelièvre
De fait, ses premières compositions ressortissent à ce registre : Mottetto per San Paolino « Plaudite Populi » (1877), Vexilla regis prodeunt (1878) ; Credo)… La Messa di Gloria, quant à elle, fut composée pour son examen à l’Istituto Musicale Pacini. Puccini y travailla de 1878 (composition du Credo) à l’été 1880. Son véritable nom est en réalité Messa a quatro voci con orchestra, mais elle fut rebaptisée ultérieurement Messa di Gloria en raison de l’importance du Gloria qui dure à lui seul 20 minutes, soit près de la moitié de l’œuvre tout entière.
La messe fut créée à Lucques, le 12 juillet 1880, en l’église San Paolino. Si la presse locale souligna le talent du jeune musicien, marchant dignement dans les pas de Puccini père, le musicien ne fit jamais éditer la partition. Il en réutilisa cependant deux pages, le Kyrie et l’Agnus Dei, respectivement dans Edgar (on entend le thème du Kyrie au premier acte de l’opéra) et Manon Lescaut (dans le madrigal du Musico à l’acte II : « Sulla vetta tu del monte« ). Si l’on excepte le concert de la création de l’œuvre en juillet 1880, la première exécution publique de la Messa di Gloria n’eut lieu qu’en 1951.
LA PARTITION
Partition autographe ("Credo"),
Musée Puccini, Lucques
© Première Loge
Cette œuvre, composée par un musicien d’à peine 20 ans (Puccini en commence la composition en 1876) témoigne d’une fraîcheur dans l’inspiration et d’un enthousiasme dans l’écriture dont on comprend qu’ils séduisirent les auditeurs de la création, heureux de pouvoir placer en ce jeune musicien un espoir : celui de pérenniser la longue tradition qui liait la Puccini à la création musicale depuis plusieurs générations.
La Messa di Gloria, dont l’exécution dure de 45 à 50 minutes, comporte les cinq pièces traditionnelles de l’ordinaire : Kyrie (5 min.), Gloria (20 min.), Credo (15 min.), Sanctus (4 min.), Agnus Dei (3 min.)
Elle sollicite, outre l’orchestre, un chœur à quatre voix mixtes et deux chanteurs solistes : un ténor (pour le « Gratias agimus tibi » du Gloria) et un baryton pour l’Agnus Dei.
Si le style fugué et le traitement contrapuntique de certaines pages de la Messa di Gloria correspondent à ce que l’on est en droit d’attendre d’une œuvre musicale sacrée, ce qui marque aujourd’hui l’auditeur, au-delà de certains hommages évidents à Verdi (dans la fougue et le lyrisme des chœurs notamment) et de la présence de certains thèmes que Puccini réutilisera dans le domaine lyrique, c’est sans doute l’inventivité de l’écriture, la richesse du coloris orchestral, déjà éclatant et très varié, et d’une manière générale le dramatisme de certaines pages mais aussi de l’œuvre dans sa structure générale, qui progresse par fort contrastes (recueillement du Kyrie, jubilation du Gloria, lyrisme tendre du « Gloria agimus tibi », sérénité de l’Agnus Dei), juxtapositions de tensions dramatiques tantôt exacerbées, tantôt rompues pour mieux susciter l’émotion. Une émotion que d’aucuns jugeront peut-être plus profane que sacrée, mais qui laisse dans tous les cas présager le talent à venir, qui éclatera de manière exceptionnelle quelques années plus tard au théâtre : en 1884 avec Le Villi, en 1889 avec Edgar, et surtout en 1893 avec Manon Lescaut, premier opus majeur d’une succession interrompue de chefs-d’œuvre qui conduira Puccini aux portes du XXe siècle et de la modernité musicale avec Turandot, créé en 1926, deux ans après la disparition du compositeur.
NOTRE SÉLECTION POUR VOIR ET ÉCOUTER L'ŒUVRE
LP et CD
William Johns, Philippe Huttenlcher, Chœur Symphonique, Orchestre de la Fondation Gulbenkian De Lisbonne, dir; Michel Corboz, 1974 (EMI)
Werner Hollweg, Barry McDaniel, Kari Lövaas, WDR Choir, Cologne, RSO Frankfurt, dir. Eliahu Inbal, 1975 (Philips)
José Carreras, Hermann Prey, Philharmonia Orchestra, The Ambrosian Singers, dir. C. Scimone, 1984 5Erato)
Roberto Alagna, Thomas Hampson, London Symphony Orchestra and Chorus, dir. A. Pappano, 2001 (EMI)
Palombi, Lundberg, Hungarian Opera Orchestra and Radio Choir, dir. P. G. Morandi, 2002 (Naxos)