Opéra en trois actes de Richard Wagner, créé le 16 août 1876 à Bayreuth. Deuxième journée du Ring des Nibelungen.
Der Ring des Nibelungen (L’Anneau du Nibelung en français, parfois également appelé La Tétralogie) constitue un cas unique dans l’histoire de l’Opéra : cette vaste fresque de quatre opéras (appelée « festival scénique » par Wagner) raconte, en un prologue et trois journées (pour une durée de 15 heures de musique), le destin des dieux germaniques, de leur apogée à leur chute.
Exemple parfait de l’œuvre d’art totale (Gesamtkunstwerk) chère à Wagner, le Ring est à la fois un gigantesque poème (écrit par le compositeur lui-même), comportant de nombreuses didascalies permettant de saisir quelle était la conception scénique de l’œuvre par l’auteur, et une partition foisonnante faisant entendre près de 80 leitmotivs.
Le théâtre de Bayreuth fut spécialement conçu pour permettre de représenter le Ring dans les meilleures conditions possibles. La première représentation intégrale du cycle eut lieu à Bayreuth les 13, 14, 16 et 17 août 1876 sous la direction de Hans Richter.
L'AUTEUR
Le compositeur et librettiste
Richard WAGNER (1813-1883)
© Gallica / BnF
Richard Wagner naît à Leipzig le 22 mai 1813. C’est dans cette ville qu’il commence des études supérieures à la Nikolaischule (il étudiera la philosophie, l’esthétique), tout en découvrant les œuvres de Weber et de Beethoven – découvertes qui décideront en grande partie de sa vocation de musicien : Wagner étudie le piano, l’harmonie, commence à composer, devient maître de chœurs (à Würzburg) puis chef d’orchestre (à Magdebourg, Riga) et maître de chapelle à la cour de Saxe. Son existence est dans un premier temps marquée par des difficultés nombreuses et de natures diverses : son mariage avec la chanteuse Minna Planer est plus qu’orageux (le couple finira par se séparer). Ses premières œuvres scéniques sont, à quelques exceptions près (Rienzi à Dresde en 1842), des échecs.
Le musicien est fréquemment acculé financièrement. Acquis aux idées libérales, il soutient la révolution et participe aux combats du printemps 1849, à la suite de quoi il doit quitter l’Allemagne : Wagner voyagera dès lors en France, en Suisse, en Angleterre, en Hongrie, en Russie ou en Italie.
Louis II de Bavière par Ferdinand von Piloty
Cosima photographiée par Jacob Hilsdorf
Sa vie change radicalement dès lors que Louis II de Bavière l’appelle auprès de lui à Munich (1864) : le soutien du roi lui permettra non seulement de monter ses œuvres dans des conditions optimales (Tristan und Isolde est créé à Munich sous la direction de Hans von Bülow le 10 juin 1865), mais aussi de construire le théâtre dont il rêve pour monter sa Tétralogie, le Festspielhaus de Bayreuth, construit de telle sorte qu’aucune fosse ne sépare le public de la scène (l’orchestre, invisible, étant situé sous le plateau).
© Rico Neitzel
La femme de Hans von Bülow, Cosima (fille de Liszt) s’était éprise de Wagner dès 1863 : divorcée de son mari, elle épouse le compositeur en 1870. C’est à Cosima que Wagner dictera sa biographie, Mein Leben.
Après avoir vu triompher L’Anneau du Nibelung, Wagner voit sa santé décliner. Il meurt à Venise le 13 février 1883.
Musicalement, Wagner s’est principalement consacré à l’opéra : outre trois opéras « de jeunesse », rarement joués (Die Feen et Das Liebesverbot, composés en 1834 ; Rienzi, créé en 1842), on relève dans sa production trois premiers opéras romantiques où s’exprime déjà son idéal artistique (Der fliegende Holländer – 1843, Tannhäuser – 1845 et Lohengrin – 1850). Viennent ensuite deux opéras « de la maturité », Tristan und Isolde (1865) et Die Meistersinger von Nürnberg (1868). Enfin, il faut accorder une place spécifique à la Tétralogie (Der Ring des Nibelungen), dont la composition s’étendit sur une trentaine d’années.
Wagner est également l’auteur de nombreux textes : outre ses livrets, il écrivit des essais théoriques dont les plus célèbres sont Das Kunstwerk der Zukunft (L’Œuvre d’art de l’avenir, 1849) et Oper und Drama (Opéra et Drame, 1851).
Wagner est probablement l’un des plus importants réformateurs de la musique. Opposé à toute forme de tradition, il s’attacha à renouer avec un idéal propre à la Grèce antique, selon lequel le drame devait opérer une forme de synthèse de tous les arts. Son langage musical, éminemment personnel, accorde une importance extrême à l’orchestre, aux recherches harmoniques, à la continuité et à la fluidité du discours. Il a notamment porté l’usage du leitmotiv à son plus haut degré d’intensité poétique et dramatique.
L’ŒUVRE
La création
La première de Siegfried, deuxième journée de Der Ring des Nibelungen, eut lieu le 16 août 1876 au Bayreuther Festpielhaus, sous la direction de Hans Richter.
Georg Unger chantait Siegfried, Franz Betz Wotan et Amalie Materna Brünnhilde.
Georg Unger, le premier Siegfried
Le livret
Les sources
Les principaux personnages et événements du Ring sont présents dans l’épopée médiévale allemande le Nibelungenlied, rédigée en moyen haut-allemand et composée au XIIIe siècle, elle-même influencée par la Völsunga saga, une saga d’origine islandaise datant du XIIIe siècle (mais dont les sources sont encore plus anciennes).
D’autres influences, notamment celles de contes populaires, apparaissent de façon plus ou moins explicite au fil du livret : ainsi le thème du jeune homme en quête de la peur donne son titre à l’un des célèbres Märchen des frères Grimm : Märchen von einem, der auszog, das Fürchten zu lernen (De celui qui s’en alla pour connaître la peur) ; et l’épisode du héros franchissant le mur de flammes pour rejoindre sa bien-aimée endormie évoque bien sûr les contes Dornröschen de Grimm ou La Belle au bois dormant de Perrault.
Résumé de l'intrigue
ACTE I
Sieglinde, après Sigmund, a perdu la vie (voyez notre dossier consacré à La Walkyrie). Mais avant de mourir, elle a donné naissance à un fils : Siegfried (ténor), lequel a été élevé par un Nibelung : le nain Mime (ténor), frère d’Alberich (voyez notre dossier consacré à L’Or du Rhin). Le trésor d’Alberich est dorénavant en possession du géant Fafner qui, pour dissuader ceux qui le convoitent, a pris l’apparence d’un formidable dragon, lequel garde l’entrée d’une caverne où est caché l’or.
Mime enfant par Arthur Rackham (source : Gallica)
Mime tentant de forger Notung, par Arthur Rackham (1910)
Depuis des années, Mime essaie en vain de ressouder les morceaux de Notung, l’épée de Siegfried. Un mystérieux Voyageur (baryton-basse) – qui n’est autre que le dieu Wotan – explique alors au nain que seul celui qui ne craint pas la peur pourra tout à la fois ressouder l’épée, vaincre le dragon, s’emparer de l’or du Rhin et de l’anneau magique.
Mime et le Voyageur par Arthur Rackham (1910)
Siegfried brandissant Notung par Arthur Rackham (1910)
Siegfried, qui ne supporte pas son père adoptif et regrette amèrement de n’avoir jamais connu sa mère, parvient à ressouder l’épée Notung. Mime décide alors d’utiliser la force de Siegfried à son profit : puisque le jeune homme se plaint de ne pas savoir ce qu’est la peur, il se propose de la lui faire connaître en le conduisant à la grotte du dragon. Siegfried tuera alors Fafner, et s’emparera de l’anneau sur lequel Mime compte bien mettre la main !
ACTE II
Alberich (baryton), sachant que son frère Mime, mais aussi le dieu Wotan, aimeraient s’emparer de l’or du Rhin, surveille en cachette la grotte du dragon Fafner (basse)…
Arrivent Mime et Siegfried, lequel n’est nullement effrayé à la perspective de lutter contre un dragon. Écoutant les bruits de la forêt, le jeune garçon décide de tailler un roseau afin de se fabriquer un chalumeau pour pouvoir dialoguer avec l’Oiseau (soprano) qu’il entend gazouiller près de lui. Mais les sons qu’il tire de son instruments sont bien imparfaits, et il préfère encore se saisir du cor dont il joue habituellement. Or, à peine a-t-il fait retentir son instrument que le dragon s’éveille et vient à la rencontre de Siegfried, qui a tôt fait de le tuer.
Siegfried et le dragon par Arthur Rackham (1910)
Brûlé à la main par le sang du dragon, Siegfried lèche ses doigts : aussitôt, le chant de l’oiseau lui devient compréhensible. L’oiseau avertit Siegfried des noirs desseins de Mime. Siegfried tue alors le nain – à la satisfaction d’Alberich – et continue d’écouter le chant de l’oiseau, lequel lui apprend qu’une vierge endormie – Brünnhilde – l’attend sur un rocher protégé par un mur de flammes. Siegfried demande à l’Oiseau où se trouve ce rocher : aussitôt l’Oiseau prend son envol et Siegfried le suit à travers la forêt.
ACTE III
Wotan, près du rocher où repose Brünnhilde (soprano), convoque Erda (contralto), la déesse de la Sagesse qui lui avait jadis annoncé la fin prochaine des dieux (voyez L’Or du Rhin). Obsédé par cette prophétie, Wotan souhaiterait en savoir plus, mais la déesse ne peut lui faire de nouvelles révélations : elle disparaît, laissant Wotan face à Siegfried qui vient à son tout d’arriver au pied du rocher. Siegfried répond insolemment aux questions du Voyageur, et va même, grâce à son épée Notung, jusqu’à briser la lance de celui qui est responsable de la mort de ses parents. Wotan s’écarte alors et laisse passer Siegfried, qui traverse sans crainte le rideau de flammes. En découvrant Brünnhilde, le héros, pour la première fois, éprouve de la peur… Mais lorsqu’il embrasse la Walkyrie, celle-ci s’éveille et tombe dans ses bras : elle renonce à sa divinité et accepte sa nouvelle condition de femme, amoureuse… et mortelle.
Siegfried découvrant Brünnhilde par Arthur Rackham (1910)
Le réveil de Brünnhilde par Arthur Rackham (1910)
La partition
QUELQUES PAGES MAJEURES
- ACTE I
– Scène 3 : l’air dit « de la Forge », au cours duquel Siegfried ressoude l’épée Notung (« Notung ! Notung ! Neidliches Schwert ! ») - ACTE II
– Les « Murmures de la forêt » et le chant de l’Oiseau. - ACTE III
– L’éveil de Brünnhilde, le duo final.
"Notung ! Notung ! Neidliches Schwert !" par Lauritz Melchior (1924)
LES LEITMOTIVS
- Mime : 00:30
- Hoiho : 01:00
- L’appel du cor de Siegfried : 01:36
- Le promeneur (der Wanderer) : 02:10
- La forge : 03:25
- L’Epée : 04:06
- Le dragon : 04:57
- Les Wälsung : 06:13
- Siegfried : 07:00
- La magie du feu : 07:30
- Le lieu du repos : 08:22
- Le réveil de Brünnhilde : 09:12
- L’ivresse amoureuse : 10:22
- L’Amour éternel : 10:51
LES ENREGISTREMENTS
Notre sélection pour voir et écouter le Ring
LP et CD
Wilhelm Furtwängler, Orchestre de la Scala de Milan – Ferdinand Frantz, Kirsten Flagstad, Set Svanholm/Max Lorenz, Alois Pernerstorfer, Günther Treptow, Hilde Konetzni. 4, 9, 22 mars – 4 avril 1950.
Clemens Krauss, Orchestre du Festival de Bayreuth – Hans Hotter, Astrid Varnay, Wolfgang Windgassen, Gustav Neidlinger, Ramón Vinay, Regina Resnik. 8, 9, 10, 12 août 1953.
Georg Solti, Orchestre philharmonique de Vienne – George London /Hans Hotter, Birgit Nilsson, Wolfgang Windgassen, Gustav Neidlinger, James King, Régine Crespin. 1958-1965 (Decca)
Herbert von Karajan, Orchestre philharmonique de Berlin – Dietrich Fischer-Dieskau/Thomas Stewart, Régine Crespin /Helga Dernesch, Jess Thomas/Helge Brilioth, Zoltán Kelemen, Jon Vickers, Gundula Janowitz. 1966-1970 (Deutsche Grammophon)
Karl Böhm, Orchestre du Festival de Bayreuth – Theo Adam, Birgit Nilsson, Wolfgang Windgassen, Gustav Neidlinger, James King, Leonie Rysanek. 1966 (Philips)
Marek Janowski, Staatskapelle de Dresde – Theo Adam, Jeannine Altmeyer, René Kollo, Siegmund Nimsgern, Siegfried Jerusalem, Jessye Norman. décembre 1980-avril 1983 (RCA Red Seal)
James Levine, Metropolitan Opera Orchestra – James Morris, Hildegard Behrens, Reiner Goldberg, Gary Lakes, Jessye Norman. 1987-1989. (Deutsche Grammophon)
Bernard Haitink, Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise -James Morris, Éva Marton, Siegfried Jerusalem, Theo Adam, Reiner Goldberg, Cheryl Studer. 1988-1991 (EMI / Warner Classics) :
Streaming
Boulez, Chéreau / Jung, Zednik, McIntyre, Jones. Bayreuth, 1980 (sous-titres français)
Metha, Padrissa (La Fura dels Baus) / Ryan, Siegel, Uusitalo, Wilson. Valencia 2008
Fischer, Bechtolf / Konieczny, Pecoraro, Konieczny, Watson. Vienne 2016
Altinoglu, Audi / Vigilius, Hoare, Bretz, Brimberg. Bruxelles, 2024 (sous-titres français)
DVD et Blu-ray
Pierre Boulez, Orchestre du Festival de Bayreuth / Patrice Chéreau – Donald McIntyre, Gwyneth Jones, Manfred Jung, Hermann Becht, Peter Hofmann, Jeannine Altmeyer. 1976 (DVD : 2005) (DG)
James Levine, Metropolitan Opera Orchestra / Otto Schenk – James Morris, Hildegard Behrens, Reiner Goldberg, Gary Lakes, Jessye Norman. 1990 (DG)
Daniel Barenboim, Orchestre du Festival de Bayreuth / Harry Kupfer – Tomlinson, Evans, Jerusalem, von Kannen, Elming, Secunde, 1990-1992. (Teldec / Warner Classics)