DER RING DES NIBELUNGEN, 2/4
DIE WALKÜRE, Wagner (1870) – dossier
Opéra en trois actes de Richard Wagner, créé le 26 juin 1870 au Théâtre national de la Cour, Munich. Première journée du Ring des Nibelungen.
Der Ring des Nibelungen (L’Anneau du Nibelung en français, parfois également appelé La Tétralogie) constitue un cas unique dans l’histoire de l’Opéra : cette vaste fresque de quatre opéras (appelée « festival scénique » par Wagner) raconte, en un prologue et trois journées (pour une durée de 15 heures de musique), le destin des dieux germaniques, de leur apogée à leur chute.
Exemple parfait de l’œuvre d’art totale (Gesamtkunstwerk) chère à Wagner, le Ring est à la fois un gigantesque poème (écrit par le compositeur lui-même), comportant de nombreuses didascalies permettant de saisir quelle était la conception scénique de l’œuvre par l’auteur, et une partition foisonnante faisant entendre près de 80 leitmotivs.
Le théâtre de Bayreuth fut spécialement conçu pour permettre de représenter le Ring dans les meilleures conditions possibles. La première représentation intégrale du cycle eut lieu à Bayreuth les 13, 14, 16 et 17 août 1876 sous la direction de Hans Richter.
L’AUTEUR
Le compositeur et librettiste
Richard WAGNER (1813-1883)
© Gallica / BnF
Richard Wagner naît à Leipzig le 22 mai 1813. C’est dans cette ville qu’il commence des études supérieures à la Nikolaischule (il étudiera la philosophie, l’esthétique), tout en découvrant les œuvres de Weber et de Beethoven – découvertes qui décideront en grande partie de sa vocation de musicien : Wagner étudie le piano, l’harmonie, commence à composer, devient maître de chœurs (à Würzburg) puis chef d’orchestre (à Magdebourg, Riga) et maître de chapelle à la cour de Saxe. Son existence est dans un premier temps marquée par des difficultés nombreuses et de natures diverses : son mariage avec la chanteuse Minna Planer est plus qu’orageux (le couple finira par se séparer). Ses premières œuvres scéniques sont, à quelques exceptions près (Rienzi à Dresde en 1842), des échecs.
Le musicien est fréquemment acculé financièrement. Acquis aux idées libérales, il soutient la révolution et participe aux combats du printemps 1849, à la suite de quoi il doit quitter l’Allemagne : Wagner voyagera dès lors en France, en Suisse, en Angleterre, en Hongrie, en Russie ou en Italie.
Louis II de Bavière par Ferdinand von Piloty
Cosima photographiée par Jacob Hilsdorf
Sa vie change radicalement dès lors que Louis II de Bavière l’appelle auprès de lui à Munich (1864) : le soutien du roi lui permettra non seulement de monter ses œuvres dans des conditions optimales (Tristan und Isolde est créé à Munich sous la direction de Hans von Bülow le 10 juin 1865), mais aussi de construire le théâtre dont il rêve pour monter sa Tétralogie, le Festspielhaus de Bayreuth, construit de telle sorte qu’aucune fosse ne sépare le public de la scène (l’orchestre, invisible, étant situé sous le plateau).
© Rico Neitzel
La femme de Hans von Bülow, Cosima (fille de Liszt) s’était éprise de Wagner dès 1863 : divorcée de son mari, elle épouse le compositeur en 1870. C’est à Cosima que Wagner dictera sa biographie, Mein Leben.
Après avoir vu triompher L’Anneau du Nibelung, Wagner voit sa santé décliner. Il meurt à Venise le 13 février 1883.
Musicalement, Wagner s’est principalement consacré à l’opéra : outre trois opéras « de jeunesse », rarement joués (Die Feen et Das Liebesverbot, composés en 1834 ; Rienzi, créé en 1842), on relève dans sa production trois premiers opéras romantiques où s’exprime déjà son idéal artistique (Der fliegende Holländer – 1843, Tannhäuser – 1845 et Lohengrin – 1850). Viennent ensuite deux opéras « de la maturité », Tristan und Isolde (1865) et Die Meistersinger von Nürnberg (1868). Enfin, il faut accorder une place spécifique à la Tétralogie (Der Ring des Nibelungen), dont la composition s’étendit sur une trentaine d’années.
Wagner est également l’auteur de nombreux textes : outre ses livrets, il écrivit des essais théoriques dont les plus célèbres sont Das Kunstwerk der Zukunft (L’Œuvre d’art de l’avenir, 1849) et Oper und Drama (Opéra et Drame, 1851).
Wagner est probablement l’un des plus importants réformateurs de la musique. Opposé à toute forme de tradition, il s’attacha à renouer avec un idéal propre à la Grèce antique, selon lequel le drame devait opérer une forme de synthèse de tous les arts. Son langage musical, éminemment personnel, accorde une importance extrême à l’orchestre, aux recherches harmoniques, à la continuité et à la fluidité du discours. Il a notamment porté l’usage du leitmotiv à son plus haut degré d’intensité poétique et dramatique.
L’ŒUVRE
La création
La première de Die Walküre, première journée de Der Ring des Nibelungen, eut lieu le 26 juin 1870 au Théâtre national de la Cour de Munich sous la direction de Franz Wüllner.
Heinrich et Therese Vogl incarnaient le couple de jumeaux Siegmund et Sieglinde ; August Kindermann était Wotan, Sophie Stehle Brünnhilde.
Therese et Heinrich Vogl, Sieglinde et Siegmund à Munich en 1870
Le livret
Les sources
Les principaux personnages et événements du Ring sont présents dans l’épopée médiévale allemande le Nibelungenlied, rédigée en moyen haut-allemand et composée au XIIIe siècle, elle-même influencée par la Völsunga saga, une saga d’origine islandaise datant du XIIIe siècle (mais dont les sources sont encore plus anciennes).
Résumé de l’intrigue
Arthur Rackham, Die Walküre (Hunding et Sieglinde)
Le dieu Wotan a quitté le Walhalla et, sous le nom de Wälse, a séduit une mortelle dont il a eu deux enfants : Siegmund et Sieglinde.
ACTE I
Sigmund (ténor), traqué par ses ennemis, fuit à travers la forêt en pleine tempête. Il trouve refuge dans une maison isolée, où il est accueilli par une jeune femme, épouse de Hunding (basse), le maître des lieux, pour l’heure absent. La jeune femme offre à Siegmund la possibilité de se désaltérer, et Siegmund s’apprête à repartir : il évite de s’attarder chez les étrangers, persuadé qu’il est de porter malheur à tous ceux qu’il approche. Ce à quoi la jeune femme répond qu’il ne saurait apporter le malheur là où il règne déjà.
Paraît Hunding, à qui Siegmund raconte son histoire : alors que lui-même et son père Wälse étaient partis chasser , les deux hommes, en rentrant chez eux, découvrirent que la seule jumelle de Siegmund avait été enlevée et que sa mère avait été tuée. Depuis, les deux hommes errent dans la forêt, en tentant d’échapper à leurs ennemis, les Neidigen. Hunding révèle alors qu’il est lui-même un Neidingen : les lois de l’hospitalité étant sacrées, il autorise Siegmund à rester chez lui mais lui promet un combat sans merci dès le lendemain matin.
Resté seul, Siegmund se souvient que son père lui avait promis une épée, qui lui apparaîtrait dans un moment de haute détresse. La femme de Hunding l’entend et lui révèle que, le jour où elle fut maréié de force à Hunding, un étranger planta, dans le tronc du frêne autour duquel est bâtie la maison de Hunding, une épée dont aucun homme ne réussit jamais à s’emparer. Siegmund s’approche, retire sans peine l’épée du tronc et la baptise « Notung » (Détresse). La femme de Hunding reconnaît alors l’identité de l’inconnu et révèle son propre nom : elle n’est autre que Sieglinde (soprano), la sœur jumelle de Siegmund. Attirés l’un vers l’autre par une invincible force, Siegmund et Sieglinde s’étreignent ardemment.
Arthur Rackham, Die Walküre (Siegmund brandissant Notung)
Arthur Rackham, Die Walküre (Brünnhilde)
ACTE II
Les Walkyries sont des divinités qui, revêtues d’une armure, armées d’une lance, sont au service de Wotan : pour lui, elles règlent le sort des batailles, distribuent la mort, et portent les âmes des héros les plus valeureux au Walhalla. Parmi elle, Brünnhilde (soprano), fille de Wotan, est la préférée du maître des dieux. Wotan ordonne à Brünnhilde se rendre sur le lieu où Siegmund et Hunding doivent se battre, et d’accorder la victoire à Siegmund.
Mais Fricka, femme de Wotan, intervient : il est selon elle impossible de favoriser le sort d’un enfant adultérin, qui entretient, qui plus est, une liaison incestueuse avec sa sœur. Wotan révèle alors à Fricka qu’il agit ainsi dans l’espoir de sauver les diex, dont le règne est menacé selon les prohéties d’Erda (voir L’Or du Rhin) : il doit impérativement reprendre possession de l’anneau d’Albérich, or seul un être parfaitement indépendant pourra accomplir cet exploit. Fricka rétorque que si seul un héros indépendant peut aider les dieux, amors Wotan, précisément, ne doit en rien aider Siegmund : qu’il laisse le héros combattre seul contre Hunding. La mort dans l’homme, Wota, fait revenir Brünnhilde et lui ordonne de ne pas protéger Siegmund.
Brünnhilde apparaît alors à Siegmund et lui révèle qu’il va prochainement mourir au combat. Mais en constatant l’amour absolu qui lie Siegmund à Segline, Brünnhilde ne peut se résoudre à laisser mourir le jeune homme et décide de désobéir à son père. Alors que Siegmund s’apprête à frapper Hunding paraît Wotan, qui brise l’épée de son fils, lequel est immédiatement tué par son ennemi. Brünnhilde emporte avec elle Sieglinde chancelante dans l’espoir de la sauver, elle et le fils qu’elle porte – et s’enfuit, laissant Wotan furieux, menaçant sa fille d’un terrible châtiment.
Arthur Rackham, Die Walküre (Wotan et Brünnhilde)
ACTE III
Brünnhilde tente de trouver refuge auprès de ses sœurs les Walkyries, mais Wotan a tôt fait de la retrouver. À son père qui lui rappelle l’extrême gravité de sa désobéissance, Brünnhilde oppose un argument qui ébranle le dieu : en protégeant Siegmund, n’a-t-elle pas, en fait, respecter ses volontés ses volontés les plus secrètes ?
Apporter la mort à Siegmund, n’était-ce pas respecter les volontés de Fricka plutôt que celles de Wotan ? Quoi qu’il en soit, le châtiment tombe : Brünnhilde est déchue de sa divinité. Wotan abandonnera sa fille sur un rocher et la plongera dans un sommeil profond : le premier homme qui la découvrira en fera sa femme. Brünnhilde supplie alors son père de ne la livrer qu’à un glorieux héros. Bouleversé, Wotan accepte : il encercle Brünnhilde d’un mur de feu : seul celui qui osera traverser ces flammes pourra conquérir Brünnhilde, clame-t-il avant d’abandonner sa fille endormie sur le rocher.
Arthur Rackham, Die Walküre
La partition
QUELQUES PAGES MAJEURES
- ACTE I :
– Le prélude, au cours duquel l’auditeur se trouve plongé dans une effrayante tempête et semble suivre la course haletante de Siegmund, tentant d’échapper à ses ennemis.
– La scène 3, qui voit se succéder quatre pages splendides entre toutes : Siegmund appelant son père Wälse puis apercevant la poignée de l’épée Notung, plantée dans le tronc du frêne ; la scène de Sieglinde (« Eine Waffe lass mich dir weisen »), où la jeune femme invite Siegmund à se saisir de l’épée Notung ; l’hymne au printemps chanté par Siegmund (« Winterstürme wichen dem Wonnemond ») ; le duo d’amour entre Sieglinde et Siegmund.
- ACTE II :
– La scène 4, avec l’annonce de la mort de Siegmund par Brünnhilde, le refus de Siegmund de suivre la fille de Wotan au Walhalla, la décision prise par Brünnhilde de désobéir à son père Wotan. - ACTE III :
– La scène 1 : la chevauchée de Walkyries ; le désespoir de Sieglinde puis les remerciements éperdus de la jeune femme envers Brünnhilde (motif de la « rédemption par l’amour ») quand celle-ci lui annonce qu’elle continuera de la protéger et lui remet les morceaux de Notung – que le fils qu’elle porte, Siegfried, sera un jour amené à reforger et à brandir.
– Scène 3 : les bouleversants adieux de Wotan à sa fille.
LES LEITMOTIVS
https://www.youtube.com/watch?v=azXVSfx64J8
- 00:17 : L’épée
- 00:50 : l’amour
- 01:21 : Hojotoho
- 02:33 : chevauchée des Walkyries
- 03:26 : le destin
- 04:16 : Annonce de la mort
- 04:58: Siegfried
- 05:56 : la rédemption par l’amour
- 06:38 : le lieu de repos
- 07:11 : l’amour de Wotan
- 08:14 : la lance
- 08:33 : magie du feu
En cliquant sur l’image, découvrez notre dossier sur L’Or du Rhin, prologue de la Tétralogie.
En cliquant sur l’image, découvrez notre dossier sur Siegfried, deuxième journée de la Tétralogie.
En cliquant sur l’image, découvrez notre dossier sur Le Crépuscule des Dieux, troisième journée de la Tétralogie.
LES ENREGISTREMENTS
Notre sélection pour voir et écouter le Ring
LP et CD
Wilhelm Furtwängler, Orchestre de la Scala de Milan – Ferdinand Frantz, Kirsten Flagstad, Set Svanholm/Max Lorenz, Alois Pernerstorfer, Günther Treptow, Hilde Konetzni. 4, 9, 22 mars – 4 avril 1950.
Clemens Krauss, Orchestre du Festival de Bayreuth – Hans Hotter, Astrid Varnay, Wolfgang Windgassen, Gustav Neidlinger, Ramón Vinay, Regina Resnik. 8, 9, 10, 12 août 1953.
Georg Solti, Orchestre philharmonique de Vienne – George London /Hans Hotter, Birgit Nilsson, Wolfgang Windgassen, Gustav Neidlinger, James King, Régine Crespin. 1958-1965 (Decca)
-
Herbert von Karajan, Orchestre philharmonique de Berlin – Dietrich Fischer-Dieskau/Thomas Stewart, Régine Crespin /Helga Dernesch, Jess Thomas/Helge Brilioth, Zoltán Kelemen, Jon Vickers, Gundula Janowitz. 1966-1970 (Deutsche Grammophon)
-
Karl Böhm, Orchestre du Festival de Bayreuth – Theo Adam, Birgit Nilsson, Wolfgang Windgassen, Gustav Neidlinger, James King, Leonie Rysanek. 1966 (Philips)
-
Marek Janowski, Staatskapelle de Dresde – Theo Adam, Jeannine Altmeyer, René Kollo, Siegmund Nimsgern, Siegfried Jerusalem, Jessye Norman. décembre 1980-avril 1983 (RCA Red Seal)
James Levine, Metropolitan Opera Orchestra – James Morris, Hildegard Behrens, Reiner Goldberg, Gary Lakes, Jessye Norman. 1987-1989. (Deutsche Grammophon)
Bernard Haitink, Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise -James Morris, Éva Marton, Siegfried Jerusalem, Theo Adam, Reiner Goldberg, Cheryl Studer. 1988-1991 (EMI / Warner Classics) :
Streaming
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Boulez, Chéreau / McIntyre, Jones, Altmeyer, Hofmann. Bayreuth, 1979 (sous-titres français)
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Metha, La Fura dels Baus / Uusitalo, Valencia, 2007
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Barenboim, Cassiers / Kowaljow, Stemme, Meier, O’Neill. Scala de Milan, 2010 (sous-titres italiens)
Fischer, Bechtolf / Konieczny, Watson, Meier, Ventris. Vienna State Opera, 2016
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Heras-Casado, Carsen / Konieczny, Merbeth, Pieczonka, Skelton. Madrid 2019
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Negus, Lane / Carey Jones, Bisset, Bell, Le Brocq. Longborough Festival Opera, 2024 (sous-titres anglais)
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Alain Altinoglu, Castellucci / Gábor, Brimberg, Stefanoff, Wedd. Bruxelles, 2024.
DVD et Blu-ray
Pierre Boulez, Orchestre du Festival de Bayreuth / Patrice Chéreau – Donald McIntyre, Gwyneth Jones, Manfred Jung, Hermann Becht, Peter Hofmann, Jeannine Altmeyer. 1976 (DVD : 2005) (DG)
James Levine, Metropolitan Opera Orchestra / Otto Schenk – James Morris, Hildegard Behrens, Reiner Goldberg, Gary Lakes, Jessye Norman. 1990 (DG)
Daniel Barenboim, Orchestre du Festival de Bayreuth / Harry Kupfer – Tomlinson, Evans, Jerusalem, von Kannen, Elming, Secunde, 1990-1992. (Teldec / Warner Classics)