Lyricleaners : chacun connaît ce nouveau métier de « dépoussiéreur d’opéras », très en vogue aujourd’hui et devenu pour ainsi dire incontournable. Mais ce qu’on ignore parfois, c’est qu’un couple germano-italien est à l’origine du concept : la Bavaroise Eva Stubenrein et le Sicilien Antonio Pulizia évoquent pour nous le formidable succès qui est aujourd’hui le leur.
PREMIERE LOGE : Antonio et Eva, merci de nous accorder un peu de votre temps, vous êtes en effet sollicités par toutes les maison d’opéras de France et d’Europe… Pouvez-vous expliquer, pour celles et ceux qui l’ignoreraient encore, en quoi consiste le métier de lyricleaners – et surtout comment est née chez vous l’envie de créer ce métier ?
EVA STUBENREIN : C’est très simple : un jour un ami nous a invités à l’Opéra. C’était pour voir un opéra de Wagner, Lohengrin, dont l’histoire se passe il y a au moins cent ans, vous imaginez !
ANTONIO PULIZIA : Tout était vieux dans cet opéra : l’histoire, la langue, la musique, le public, les chanteurs, les sièges, la dame au vestiaire…
E. S : Bref, le summum du « poussiéreux ». Or il se trouve que nous sommes des obsédés du ménage et de la propreté, et nous suivons d’ailleurs avec assiduité une célèbre émission où toute une équipe de jeunes filles et de jeunes hommes dynamiques se propose de faire le ménage chez les gens.
A. P. : Tout nous a alors paru limpide : pourquoi ne pas faire la même chose à l’Opéra ? Pourquoi ne pas « dépoussiérer » l’opéra ?
P. L. : Certes, mais concrètement, « dépoussiérer l’opéra », qu’est-ce que cela veut dire ?
A. P. : Enlever tout ce qui est trop « vieux » et ne parle plus au public d’aujourd’hui. Y a du travail, je ne vous le cache pas, mais en procédant avec méthode et rigueur, on obtient vite de bons résultats.
E. S : Et sans trop se casser la tête non plus : ainsi on obtient un dépoussiérage absolument étonnant rien qu’en transposant toutes les actions dans un Ehpad, un hôpital de guerre ou un hôpital psychiatrique. Croyez-moi, ça donne un sacré coup de jeune au spectacle.
A. P. : On peut aussi, s’il y a des dialogues parlés, ajouter deux ou trois gros mots ou insultes : « merde », « putain », « fait chier ». Les jeunes adorent.
Nos Lyricleaners ne dédaignent pas « dépoussiérer » les Opéras au sens propre du terme. Ici, Eva et Antonio en pleine opération « Ménage Extrême » dans la salle « Révisons le solfège » de l’Opéra de Singapour.
P. L. : Y a-t-il une opération de « dépoussiérage » dont vous êtes particulièrement fiers ?
E. S : Il y en a tellement. Disons que ce qui nous a vraiment lancés, c’est le concept du « vieux qui montre ses fesses ».
P. L. : Ah ! C’était donc vous ?!…
A. P. : Oui. La première fois, c’était à Genève en 2020 pour L’Enlèvement au sérail.
E. S. : L’effet a été immédiat. Dès la deuxième représentation, la moyenne d’âge du parterre, qui était de 73 ans à la première, est passée à 70. Et certains soirs, nous sommes même passés sous la barre des 70 ans.
E. S. : Les jeunes ont adoré. Le concept nous a depuis été acheté par de nombreux metteurs en scène et/ou théâtres, et on a pu le revoir souvent : à l’Opéra de Luxembourg puis à Genève dans La Clémence de Titus, à Bruxelles dans Turandot, à Bruxelles de nouveau dans Rivoluzione e nostalgia d’après Verdi (un vieux compositeur italien), etc. etc.
P. L. : Pensez-vous étendre un jour votre activité à d’autres domaines que l’Opéra ?
A. P. : Oui bien sûr. Vous n’imaginez pas le nombre d’artistes ou d’auteurs qui végètent dans la poussière : Molière, Shakespeare, Racine, Dante, Cervantes,…
E. S. : Avec des limites tout de même : l’été dernier, j’étais en vacances en Grèce et on nous a fait visiter le Parthénon et le musée de l’Acropole. Le guide nous a même lu un extrait d’Œdipe roi de Sophocle : eh bien c’est encore plus vieux que l’opéra de Wagner dont on vous parlait tout à l’heure !! Trop c’est trop. Il y a un moment où trop de poussière tue l’œuvre et où plus personne ne peut plus rien. Même les Lyricleaners les plus courageux !
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1 commentaire
Super reportage !
Puis-je recommander aux 2 Lyricleaners d’avril d’agiter leur plumeau sur le foutraque « Opéra plume » ? :https://www.artcena.fr/artcena-replay/melanges-opera-plume-du-cirque-plume