LE MAGGIO MUSICALE FIORENTINO : L’EMBELLIE !
Le Mai Musical assainit sa situation financière et présente ses futurs spectacles (de janvier à juin 2024, dont le 86e Festival)

Daniele Gatti (direttore) © Michele Monasta – Maggio Musicale Fiorentino

Une situation financière qui s’éclaircit

Le Teatro del Maggio Musicale Fiorentino a présenté jeudi 23 novembre son programme jusqu’au 13 juin, soit la suite de la saison hivernale, jusqu’ici dévoilée seulement pour le dernier trimestre 2023, et le 86e Festival del Maggio : au total, quatre opéras, un drame en forme de concert , un opéra pour enfants (inspirée à Turandot), un ballet et 12 concerts symphoniques. Ça aurait pu être bien pire, mais le commissaire extraordinaire, Onofrio Cutaia (confirmé jusqu’en mars 2024), assure que, d’ici décembre, la partie la plus importante de la dette de la Fondation sera payée : soit 75% des 7 millions et 600 mille euros qui avaient mis les finances dans le rouge, et ceci grâce aux membres fondateurs qui ont jugé crédible le plan proposé par le commissaire. “Le pire est passé – affirme-t-il, la planification et l’organisation du Maggio suivent maintenant un chemin balisé et à la fin de mon mandat, celui qui arrivera trouvera des données claires pour poursuivre cette reprise”. En réalité, le Ministère de la Culture a déjà fait savoir qu’il souhaiterait le confirmer à la tête de la Fondation en tant que surintendant, même si cela nécessitera une consultation avec les membres, sachant que Cutaia terminerait volontiers ce qu’il a commencé. Les résultats de ce mois-ci suffisent à témoigner que le travail minutieux s’est poursuivi sur le double axe “programmation-rémédiation” : salle presque pleine pour les deux dates du concert de Daniele Gatti et 90% des billets vendus pour la Bohème à l’affiche jusqu’à 29 novembre. “Pour 2024, la situation économique de la Fondation est absolument sous contrôle – a continué Cutaia -. J’ai utilisé mes pouvoirs de commissaire comme le permet la loi, mais je crois qu’une fois cette période extraordinaire passée, une situation normale est tout à fait gérable. Bien sûr, nous avons besoin d’une rigueur absolue en matière de gestion sans jamais baisser la garde sur la qualité”. En ouvrant la conférence de presse, il a precisé : “Il n’y a qu’un Festival qui existe depuis plus de quatre-vingt-dix ans et a toujours joui d’une résonance internationale”, annulant ainsi l’idée de son prédécesseur Pereira (qui aurait souhaité faire de Florence un deuxième Salzbourg) d’avoir trois festivals par an… Pereira a échoué, comme nous l’avons vu, en dépensant bien plus qu’il n’aurait dû et et programmant les spectacles au jour le jour, sans l’anticipation nécessaire à la publicité, à l’intérieur et à l’extérieur de la ville (et de l’Italie, puisqu’il visait un public international) et aux préventes.

Sara Blanch – © D.R.

Le calendrier est moins chargé que l’année dernière et les noms célèbres sont moins nombreux, mais ils n’ont pas disparu, au contraire : dans le premier opéra prévu pour 2024, Don Pasquale de Donizetti, il y a deux noms qui étaient récurrents dans les programmes de l’époque Pereira, la soprano Sara Blanch et le baryton Markus Werba.

La découverte de jeunes talents : une tradition du Maggio

Le commissaire rappelle encore que la fondation du Maggio, il y a plus de 90 ans, a été marquée par un profond désir de renouveau et annonce que la même intention guide désormais la relance de l’Institution. Le Maggio, depuis sa naissance, s’est immédiatement approprié les nouvelles propositions, a suivi de nouvelles voies expressives, a identifié, découvert et lancé des artistes qui, de Florence, sont entrés dans l’histoire : c’est ici qu’avec le surintendant Siciliani, Maria Callas a reçu l’impulsion décisive pour sa carrière et c’est aussi le Maggio qui a fait confiance au très jeune Muti et l’a voulu comme chef d’orchestre principal alors qu’il n’avait que 27 ans ; il ne manque jamais de s’en souvenir lorsqu’il vient à Florence et salue le public avant ou après le concert (en 2024 il sera là  le 12 mai, avec les Wiener Philharmoniker). Le commissaire Cutaia aujourd’hui s’approprie à nouveau cette mission (plût au ciel que parmi les jeunes talents qu’il appellera il y ait une nouvelle Callas ou un nouveau Muti !), mais sa programmation comprend aussi quelques artistes de renommée internationale et elle est en général de très bonne qualité. Avant même la reprise de la saison d’hiver (16 janvier), il y aura le traditionnel concert gratuit du Nouvel An avec l’Orchestre des Jeunes Italiens, le matin du 1er janvier 2024, et un événement spécial sans abonnement avec John Axelrod sur le podium et la pianiste Giulia Mazzoni le 5 janvier.

Pour ce qui est des concerts, l’idée, en composant le programme, était d’appeler sur le podium, aux côtés du directeur principal Daniele Gatti, des jeunes âgés de trente à quarante ans, avec déjà une brillante carrière et très appréciés au niveau européen : Nikolas Naegele, formé à l’Accademia del Maggio, puis Kappelmeister à la Deutsche Oper de Berlin et assistant de Christian Thieleman à plusieurs reprises à Salzbourg et Bayreuth ; Hankyeol Yoon, vainqueur du Concours Karajan de Salzbourg en 2023, faisant ses débuts en Italie, Min Chung, “fils de l’art” (le Chung plus connu arrivera le 25 mai, pour le Festival del Maggio) avec un important cursus international, Vitali Alekseenok, lauréat du concours Toscanini en 2021 et, en 2023, deuxième au concours Karajan et qui occupe désormais le rôle de Kappelmeister de la Deutsche Oper am Rhein.

Le concert inaugural du Festival del Maggio sera dirigé par Daniele Gatti le 13 avril, le concert final par Zubin Mehta le 13 juin. Parmi les grand solistes, citons le pianiste Grigory Sokolov (11 mars).

Grigory Sokolov – © Michele Monasta – Maggio Musicale Fiorentino

De belles distribtions vocales

Le même principe a guidé la composition d’une bonne partie des distributions vocales, tant pour l’opéra que pour les concerts: d’une part en appelant des artistes de grande valeur comme Sara Blanch, Marco Filippo Romano, Markus Werba, Francesco Meli, Teresa Iervolino, Carlo Bosi, Valeria Sepe, Alexia Voulgaridou, Gianluca Margheri, Pablo Ruiz, Ivan Magrì, Anicio Zorzi Giustiniani, Giovan Battista Parodi, Elia Schilton, Gabriele Sagona, Dario Giorgelé, certains faisant leurs débuts aussi bien au Maggio qu’en Italie : Angelos Samartzis, Olga Maslova, Vanessa Goikoetxea, Alexey Markov ; et d’autre part les jeunes artistes formés à l’Accademia del Maggio qui se lancent aujourd’hui avec succès dans une carrière internationale : Nikoleta Kapetanidou, Dave Monaco, Qianming Dou, Eunhee Maggio, Davide Piva, Valentina Corò, Alfonso Zambuto, Ludovico Filippo Ravizza, sans oublier à leurs côtés les jeunes talents qui la fréquentent encore comme Aleksandra Meteleva, Oronzo D’Urzo, Lorenzo Martelli, Matteo Mancini, Aitana Sanz-Pérez, Ohla Smokolina, Danbi Lee, Nikoletta Hertsak, Matteo Torcaso.

Côté opéra

Peu de titres… mais de grands titres dans la saison d’hiver (tous avec Orchestre et Chœur du Maggio Musicale Fiorentino) :

  • le 16 et 17 janvier Peer Gynt d’Edvard Grieg en concert, sous la direction de Nikolas Naegele et dans la dramaturgie de Pier Paolo Pacini ; le rôle du titre est interprété par l’acteur Sandro Lombardi, l’actrice Elena Ghiaurov aura le double rôle d’Aase et Solveig ; l’acteur Annibale Pavone joue le Sorcier ; deux artistes de l’Académie se voient confier les rôles de Solveig (Aitana Sanz-Pérez) et Anitra (Olha Smokolina).


Don Pasquale (2011) © Gianluca Moggi
  • À partir du 15 mars Don Pasquale de Gaetano Donizetti, sous la direction de Daniele Gatti et la reprise (par Stefania Grazioli) de la charmante et originale mise en scène que Jonathan Miller imagina justement pour le Maggio en 2001. Les costumes sont d’Isabella Bywater qui a également conçu les décors et qui situe l’intrigue dans une maison de poupée à trois étages avec des volées d’escaliers où le va-et-vient frénétique des personnages, du chœur et des protagonistes souligne l’aspect drôle et farfelu de l’ensemble. Norina est la célèbre soprano Sara Blanch (Nikoletta Hertsak le 23 mars), Marco Filippo Romano, basse bouffe parmi les meilleures du monde, est Don Pasquale, le ténor Yijie Shi est Ernesto (Lorenzo Martelli dans la reprise du 23) ; le baryton Markus Werba est le docteur Malatesta (Matteo Mancini le 23 mars) et Oronzo D’Urzo est le notaire. Il y aura quatre représentations (les 17, 19, 23, 24 mars).

Le festival

Turandot – © Gianluca Moggi-New Press Phot

Pendant le 86e Festival, Giacomo Puccini se taillera la part du lion : c’est bien naturel dans sa région natale, l’année du centenaire de sa mort ! On commencera justement avec son dernier opéra inachevé : du 21 avril au 3 mai, cinq représentations de Turandot, dans la somptueuse et très célèbre production « historique » de Zhang Yimou, qui sera dirigée par Zubin Mehta comme il y a 26 ans (l’année suivante, la production, enrichie d’artistes chinois, se rendit à Pékin). Les protagonistes sont des chanteurs de renom mais qui font leurs débuts florentins : c’est le cas d’Olga Maslova, la soprano qui jouera le rôle emblématique de Turandot, lauréate cette année du Concours Tchaïkovski de Moscou. Une ancienne élève de l’Accademia del Maggio, la soprano Eunhee Maggio (nomen omen !), se voit confier le même rôle lors de la représentation du 3 mai. Altoum sera Carlo Bosi, Timur la jeune basse coréenne Simon Lim.

Dans le rôle de Calaf, on note les débuts italiens du ténor grec Angelos Samartzis (Ivan Magrì le 27 et 30 avril). Liù sera Valeria Sepe ; Ping Pang et Pong seront trois artistes de l’Accademia : Lodovico Ravizza, Oronzo D’Urzo et Lorenzo Martelli. Le rôle du Mandarin est confié à un ancien académicien, le baryton Qianmindg Dou. Les danses sont interprétées par les danseurs du Nuovo Balletto di Toscana dirigé par Cristina Bozzolini.

Turandot – © Gianluca Moggi-New Press Phot

Nouvelle production, au contraire, pour Tosca, avec cinq représentations du 24 mai au l8 juin; sur le podium, Daniele Gatti, et à la mise en scène, le grand acteur ronconien Massimo Popolizio. Tosca sera chantée par la soprano Vanessa Goikoetxea, pour la première fois à Florence ; Francesco Meli sera Cavaradossi. le baryton russe Alexey Markov sera Scarpia. Pour les autres rôles, on a choisi Gabriele Sagona pour Angelotti, Matteo Torcaso pour Il sagrestano, Dario Giorgelé pour Sciarrone et Oronzo D’Urzo pour Spoletta.

Entre ces deux Puccini, on mettra en scène Jeanne Dark, un opéra commandé par le Théâtre à Fabio Vacchi sur un livret de Stefano Jacini, tiré de La Pucelle d’Orléans de Voltaire. Le spectacle fut annulé en 2020 en raison des restrictions dues à la pandémie ; en 2021 on connaissait encore de grandes restrictions ; en 2022 il y avait des grands problèmes de budget… et finalement, le 14 mai, dans la Salle dédiée à Zubin Mehta (un auditorium avec 1000 places) aura lieu la première représentation. Fabio Vacchi a défini Jeanne Dark comme « un texte ironique, sarcastique, irrévérencieux, qui se moque ainsi ironiquement des dogmes esthétiques de la musique ». L’orchestre est celui hyperspécialisé en musique contemporaine du ContempoArtEnsamble, dirigé par Alessandro Cadario ; la mise en scène est signée Valentino Villa ; les décors sont de Serena Rocco, les costumes de Gianluca Sbicca ; l’éclairage a été conçu par Pasquale Mari et créé par Oscar Frosio. Elia Schilton sera Voltaire, Alexia Voulgaridou sera Jeanne, Olha Smokolina Agnese, Lorenzo Martelli jouera les rôles de Groom/Âne/Soldat français ; Alfonso Zambuto sera Delfino/Re/Diavolo ; Anicio Zorzi Giustiniani Gilles de Rais ; Giovani Battista Parodi Saint Georges ; Gianluca Margheri San Dionigi, Davide Piva frère Bordone. Les deux autres représentations sont prévues les 16 et 18 mai.

Pour terminer le mois, on présentera un spectacle de danse de Roberto Zappalà avec la collaboration dramaturgique de Nello Calabrò : la Trilogie de l’Extase, basée sur trois des compositions les plus célèbres du dernier siècle et demi : le Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy, le Boléro de Maurice Ravel et Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky (30 et 31 mai).

La collaboration avec les talentueuses institutions artistiques du territoire, telles que les Amici della Musica Firenze, l’Accademia Bartolomeo Cristofori, le Conservatorio Luigi Cherubini, la Scuola di Musica di Fiesole, l’ORT-Orchestra della Toscana, le G.A.M.O., le Teatro della Pergola, est renforcée pendant la saison hivernale aussi bien que pendant le Festival ; on se plongera dans la musique de la Renaissance avec L’Homme Armé (dont le festival FloReMus est inclus dans le prestigieux REMA – Réseau Européen de Musique Ancienne) le 21 mai et dans l’electronique avec Tempo Reale et son « Maggio Elettrico » (11-12 juin).

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Tous les  programmes sont déjà consultables sur le site www.maggiofiorentino.com ; la vente des abonnements et des spectacles hors abonnement est ouverte ; à partir de mi-décembre, il sera également possible d’acheter des billets individuels pour les spectacles inclus dans les différentes formules d’abonnement.